La sonnerie assourdissante de mon téléphone me tire de mon sommeil. Je grommèle et rechigne avant d'attraper mon appareil pour constater qu'un numéro inconnu essaie de prendre contacte avec moi. Je m'éclairci rapidement la gorge et décroche.

- Oui allo ? Ingrid Aryrha à l'appareil.

- Mademoiselle Aryrha, c'est Aurianna du magazine "Elle". Je me permets de vous contacter par rapport à notre collaboration concernant notre prochaine édition.

Mes sourcilles se froncent, j'ai un mauvais présentiment. Qu'on me recontacte après mon travail alors qu'il est censé être clôturé, ça ne présage rien de bon.

- Oui ? Il y a un problème avec les photos ? Si c'est le cas je peux me libérer du...

- Non mademoiselle, je pense que nous nous sommes mal comprises. Les magazines veulent rompre tous contrats et liaison avec vous.

J'ouvre de grands yeux, je suis pas bien réveillée je crois. Comment ça annuler nos contrats ? Tout me semblait pourtant s'être bien passé lors des séances photos, le personnel semblait satisfait de mon travail...

- Excusez moi, je ne suis pas sûre de comprendre.

- Mademoiselle, notre compagnie n'est pas en accord avec vos agissements et nous ne tenons pas à ce que notre nom soit terni par la parution de votre image en première page de notre magazine.

Bon sang, qu'est ce qu'il se passe..? Je ne comprends rien, qu'est-ce que j'ai fait ? Je me suis pourtant comporté normalement lors des séances photo, je ne me rappelle pas avoir commis une quelconque injure... Et puis, comment ça, que l'association avec mon image en fasse pâtir la leur ? Je restais silencieuse un moment, complètement déboussolée par ce que j'apprends.

- Mademoiselle Aryrha, je vais vous laisser, nous veillerons à vous payer pour vos services cependant votre image ne paraîtra plus dans nos magazines. Aussi j'aimerais que vous ne preniez plus contacte avec nous.

- Non attendez je...



Biiip biiiiiiiiiip



Je regarde l'écran de mon téléphone qui affiche "Appel terminé". Je sens une boule se former dans ma gorge ainsi que dans mon estomac. Mes yeux se baissent sur l'écran de mon téléphone qui ne cesse de s'allumer montrant de nouvelles notifications à chaque seconde qui passe. Les messages et citations de mon nom déferlent à un rythme inimaginable. Je parvins finalement à déverrouiller mon appareil et je sent mon souffle se couper lorsque je vois le nombre de notifications qu'affichent chacun de mes réseaux, tous avec un minimum de 1 000 messages non-lu. Mes mains se mettent alors à trembler alors que j'essaie d'ouvrir l'une des applications. Une fois fait, je clique au hasard sur l'un des messages qui s'affiche en haut de mon écran, ce qui me mène à une vidéo. Je lis d'abord la description du post qui dit : "@Ingrid Aryrha nous révèle sa vrai nature !" Avec quelques émojis choqués. Je sens mon rythme cardiaque doubler et ma respiration se faire moins régulière. J'appuis sur le bouton "play" de la vidéo avec la plus grande des appréhensions.

Là ce que j'y vois me terrifie plus que n'importe quel film d'horreur pourrait le faire, même réalisé par le plus grand génie de cette planète, aucune création ne pourrait me terroriser plus que la vue de cette vidéo. On y voit une jeune femme, cheveux noirs, peau clair, me ressemblant étrangement. Elle semble être dans une soirée, complètement ivres ses paroles n'ont aucun sens. Je regarde un peu la vidéo, la fille se mets en scène et est dans un état pathétique. Plus la vidéo avance et plus je vois la chose venir, finalement ce que je craignais le plus arriva... On voit clairement la jeune femme consommer de nombreuses substances illicites.

Ca y est je comprends. Cette femme sur la vidéo, absolument tout le monde crois que c'est moi, et honnêtement au vue de la qualité des images et de ressemblance entre elle et moi, je peux comprendre... Je survole rapidement les commentaires, tous négatifs. La plupart sont des insultes, on me traite de "camée" et de droguée à tout vas, sans parler des messages beaucoup plus violents qui crachent simplement de la haine pour leur propre petit plaisir malsain et sadique.

Je sens mes poils se hérisser alors qu'une fine pellicule de sueur vient recouvrir l'entièreté de mon corps. L'intensité des battements de mon cœur ne fait qu'augmenter alors que ma respiration est de plus en plus erratique à chaque commentaire que je lis. Mon corps entier me fait mal, j'ai l'impression de brûler de l'intérieur. Le monde autour de moi me semble irréel, comme si tout n'était que le fruit de mon imagination, comme si j'étais prisonnière d'un monde purement onirique. C'est ça, je dois encore avoir l'esprit brouillé, je suis en train de rêver ? C'est un cauchemar n'est-ce pas ? Juste un cauchemar. Je vais me réveiller...

Je commence à avoir du mal à respirer, ma vision se trouble de plus en plus. Je n'arrive plus à réfléchir de manière raisonnable, tout ce que j'arrive à penser c'est "Je suis finie" ou "on va se retrouver à la rue". Je me sens légèrement partir mais c'est à ce moment que j'entends la porte de ma chambre s'ouvrir.

- Debout marmotte, il est déjà... Ingrid ?

Ma sœur s'approche de moi, ahurie par la situation. Je crois qu'elle ne m'a jamais vu dans un tel état. Je me suis toujours efforcée à montrer l'image d'une femme forte et indépendante devant elle. Je veux qu'elle ait confiance en moi et qu'elle puisse se reposer sur moi autant qu'elle le souhaite. Je suis sa grande sœur, je dois la protéger envers et contre tout, je ne dois pas me montrer aussi faible devant elle.

- Ingrid qu'est-ce qu'il se passe ?

Je ne veux pas qu'elle s'inquiète, tout ça... ce sont mes problèmes, elle n'a pas à s'encombrer de ces histoires. Je ne veux pas qu'elle subisse une pression monstre comme celle que je porte chaque jour. Il est hors de question qu'elle commence à s'inquiéter pour l'argent, mon travail, ma réputation et tout ce qu'il va avec. Tout ce dont elle doit s'inquiéter c'est de réussir ses études pour se garantir un avenir stable qui la comblera de bonheur.

Ingrid ressaisit toi, Cassandre ne peut pas te voir comme ça. J'essaie de calmer ma respiration en la coupant quelques instants, ce qui semble marcher légèrement mais mon corps est encore secoué de tremblements puissants. Je sens la boule dans mon ventre devenir plus grande alors que je redoute terriblement de croiser le regard soucieux de ma sœur. Elle n'aurait pas dû me voir comme ça. Elle va s'inquiéter pour moi alors qu'elle devrait avoir bien d'autres préoccupations... Bon sang je crois que je vais pas tenir.

Je me lève précipitamment et sans même adresser un regard à Cassandre quitte la chambre à la hâte. J'accourt jusqu'aux toilettes et ai peine le temps de me pencher au-dessus que tout le contenu de mon estomac décide de se faire la malle. Lorsque j'ai fini de vomir tout ce que ventre est capable de contenir. Je m'assoie au sol, soudainement complètement vidée de mes forces. Cassandre me rejoint et pose sur moi un regard inquiet.

- Est-ce que ça va..?

- Ça va, j'ai du attraper une salle truc sur un plateau. Je vais juste rester à la maison aujourd'hui, ça va aller.

Je lui offre un petit sourire faux qui semble un peu la détendre. Puis je me relève et retourne dans ma chambre, j'ouvre les fenêtres et m'allonge à nouveau sur mon lit. Cassandre me rapporte un vers d'eau et le dépose sur ma table de chevet. Elle est adorable cette gamine.

- Essaie pas de négocier une journée de cours toi. Je suis pas mourante non plus, je peux rester seule.

Je lui offre un petit sourire amusé et elle souffle de manière ironique.

- Rabats joie.

Nous pouffons légèrement et après un petit regard complice elle quitte ma chambre avec un petit signe de la main.

- Essaie de rester en vie d'ici à ce que je rentre.

Je ne réponds rien, un simple sourire amusé est posé sur mes lèvres. J'attend un peu, aux aguets du moindre bruit. Quand j'entends enfin le bruit de la porte se fermer, le masque que je porte depuis tout à l'heure vole en éclat. Je sens toute la pression me retomber dessus. Et c'est un peu étrange, mais j'ai l'impression que le soleil qui éclairait pourtant bien ma chambre jusque là, ternit soudainement. Tout devient sombre, et je me sens dans un mal être profond.

Bon sang, qu'est ce que je vais faire...? Si tout le monde commence à me détester, je peux dire au revoir à toute ma vie. Si je perds ce travail, je perds ma plus grosse source de revenus, sans ce boulot je suis certaine de ne plus arriver à joindre les deux bouts. Entre la maison de santé de maman, le loyer, les taxes, les courses, je n'arriverai jamais à garder la tête hors de l'eau même avec un petit boulot. Si ces rumeurs persistent, je peux dire au revoir à mon avenir de sertisseuse et de joaillère, qui voudrait engager quelqu'un qui à une réputation de droguée ? Ça donnerait une image épouvantable de l'entreprise, surtout lorsqu'on travaille dans le luxe...

Bon sang... Je ne peux pas me permettre de laisser cette vidéo courir... Je ne peux pas laisser les choses échapper à mon contrôle.

Je ne sais pas depuis combien de temps je suis allongée là, dans l'obscurité de ma chambre. Trois heures ? Peut-être quatre. Cependant, lorsque je tourne les yeux, l'horloge m'indique que seulement une heure et demi s'est écoulée depuis le départ de Cassandre. J'ai l'impression de tourner en rond : vidéo, commentaires, réputation, travail, argent, famille, vidéo, commentaire, réputation... Comment sortir de ce typhon infernale m'entrainant lentement mais violemment vers les abysses du futur de désolation qui se dessine sous mes yeux de plus en plus clairement à chaque seconde...? C'est la question qui revient sans cesse dans ma tête, et j'ai beau y réfléchir de toute mes forces avec une volonté proche de celle de la survie en milieux hostile, aucune solution ne me parait efficace.

Est-ce que j'aurais pu faire quelque chose pour l'éviter ? Non, bien sûr que non. Je ne suis pas responsable de l'idiotie et des lubies d'autres personnes. Mais le fait est que ça me retombe dessus, alors que je suis parfaitement innocente, dans une injustice à l'état pure. Et me voilà haineuse, à l'égard de celui qui a posté cette vidéo, de ceux qui l'ont republié, de ceux qui me dénigrent à tout vas, sans avoir aucune preuve. Je les déteste tous autant qu'ils sont pour leur stupidité, pour cette manière qu'il ont de tout croire aveuglément et de suivre la masse de bêtise qu'il ont devant eux sans même se poser de question. Mais je déteste aussi injustement cette fille, alors que je ne la connait en rien, alors qu'elle fait bien ce qu'elle veut de sa vie, alors qu'elle non plus n'y est pour rien. Mais je ne peux pas m'empêcher de la détester pour être indirectement la cause de mon problème.

Je sursaute brutalement lorsque mon téléphone se met à sonner. Je pose un regard effrayé sur le petit appareil vibrant bruyamment, retourné sur ma commode. J'ai cette impression que sur cette écran qui m'est encore masqué, se trouve une autre mauvaise nouvelle qui pourrait bien m'achever, qu'en retournant cette appareil, il pourrait bien me sauter au cou et me dévorer. Mais, me faisant violence, j'attrape le téléphone, les mains tremblantes, et décroche.

- Allo ? Mademoiselle Aryrha ?

- Oui-oui allo, c'est moi.

Ma voix est faiblarde, tremblante, ce n'est clairement plus ma voix. Mon interlocuteur doit être déstabilisé, c'est surement pour ça qu'il me demande ensuite si je vais bien d'un ton inquiet. Je regarde le numéro qui m'appel, mais il n'est pas enregistré dans mon téléphone et je ne le reconnais pas, la voix de cette femme ne me dit rien non plus.

- Oui je vais bien je vous remercie, je me sens juste un peu malade.

- D'accord, vous voulez qu'on décale la séance photo alors je suppose ?

- La séance photo ? Non, non pas de problème, je serai là, quelle heure avions nous convenue déjà ?

J'attrape mon agenda et fouille dedans à la hâte, j'avais complètement oublié la séance photo programmée aujourd'hui. Il faut dire que s'il ne l'ont pas annulée, c'est qu'il n'ont pas vu la vidéo. Je ne sais pas vraiment si ça sert à quelque chose que j'y aille, mais j'ai cet espoir, surement futile que travailler sérieusement me permettra de redorer en quelque sorte mon image. Et puis je n'ai rien d'autre à faire il faut dire...

- Pour dans quinze minutes mademoiselle, c'est pour ça qu'en ne vous voyant pas arriver, je me suis permise de vous appeler.

Je saute de mon lit, une nouvelle angoisse prenant place en moi. C'est peut-être ma seule chance, je ne peux pas louper ça, je ne peux pas être en retard, ça ne ferait qu'aggraver mon cas ! Alors tout commence à ce précipiter.

- Pas de problème, je serais là. A tout de suite.

Je raccroche rapidement et attrape les vêtement que je m'étais préparé la veille pour les enfiler à la hâte. Je file ensuite dans la salle de bain et m'empresse de me préparer, mais on vois bien que mes traits sont tremblants et mes perfectionnements à la hâte. Enfin c'est le mieux que j'arriverai à faire, et ce n'est pas si terrible que ça. Je quitte ensuite ma maison et regarde l'itinéraire des locaux sur mon téléphone. D'accord, ce n'est pas loin, je pourrais y être dans les temps sans avoir à courir, simplement en pressant le pas, je devrais pouvoir y arriver !

C'est horrible. C'est horrible j'ai l'impression que tout le monde me regarde. Mais ce ne sont pas les regards qu'on m'adresse habituellement. Ces regards ci sont vicieux, malsains. Ils me veulent du mal pour sûr. Je me sens épiée, observée comme une bête de foire. J'essaie de me faire la plus petite possible, espérant profondément disparaitre, devenir invisible. habituellement je marche avec confiance et ne craint en aucun cas les regards, au contraire. Mais cette fois, j'ai l'impression d'être leur proie, que chacun de ces rapace, chacun de ces charognard est prêt à fondre sur moi et me dévorer comme un vulgaire bout de viande. Leurs regards m'angoissent, je veux fuir, courir loin d'eux, rentrer chez moi, à l'abris de ces yeux perçant et profondément hostiles. Alors j'accélère le pas, encore et encore, sans jamais me mette à courir comme pour garder contenance.

Après un moment qui me sembla être une éternité, je fini par arriver aux locaux. De la sueur perle sur mon front et je lance derrière moi des regards inquiets. Une voix se fait alors entendre, elle me fait légèrement sursauter. Mais je reconnais rapidement la femme m'ayant appelé quelques minutes plus tôt.

- Ingrid vous êtes là. Dans les temps qui plus est, on av pouvoir... vous êtes sûre que vous vous sentez bien ?

La femme qui m'offrait un joli sourire se ravisa en voyant l'état débraillé dans lequel j'étais. Je me redressai alors, prenant conscience d'à quel point je dois paraitre pitoyable en cet instant.

- Excusez moi, oui je vais bien, j'ai juste du me presser sur le trajet, je vais prendre un verre d'eau, ça ira mieux.

La femme hoche la tête avec un petit sourire, visiblement convaincue. Bon au moins elle ne me reproche rien sur ma tenue. Elle tourne ensuite les talons m'intimant de la suivre.

- Bien, alors vous allez pouvoir passer entre les mains de nos stylistes et maquilleuses et nous vous préparons le plateau.

J'hochai la tête tout en la suivant, j'avoue que me retrouvais enfin en terrain connu me rassure un peu. Je suis un peu plus calme et j'arrive à canaliser mon angoisse. Je vais essayer de me concentrer sur mon travail pour le moment.

Comme me l'avais indiqué la coordinatrice, je fus remise en état et conduite jusqu'au plateau. Là était placé un décors rococo très joli, mais assez banal il faut avouer. D'accord Ingrid, les séance photo ça te connait, tu es dans ta zone de confort maintenant, tu n'as plus besoin de t'inquiéter. Je soufflai un bon coup avant de rejoindre le sofa de velours pourpre et moulé d'or mis à ma disposition. Je pris de nombreuses poses, commençant légèrement à me détendre, me sentant dans mon élément. Mais c'est alors que je tournais la tête vers l'objectif de la caméra que je vis, dans le prolongement de l'appareil, un femme est un homme. Ils ne parlent volontairement pas assez fort pour que je ne puisse pas entendre leurs messes basses. Ils me jettent des regards de travers. Il ont vu la vidéo, c'est sûr. Ils vont prévenir le producteur et le photographe, ils vont le renvoyer du plateau... Qu'est ce que je dois faire ?

- Mademoiselle, un problème ?

Il a du remarquer mon angoisse et ma déstabilisation. Qu'est ce que je fais ? Il faut que je me reprenne, que je me calme. J'hoche négativement la tête et reprends la pause, plus crispée de minutes en minutes. Je me sens à nouveau épiée, à la merci de ces charognards aux yeux perfides...

La séance photo pris finalement fin et je quitte le plateau hâte mais en cachant mon empressement, prenant soin de remercier toute l'équipe présente pour leur travaille, et ils en firent de même en retour. Simple politesse. Puis je pris la fuite du plateau à la quatrième vitesse. Sur le chemin du retour, je me mis à courir, je ne cherchais plus qu'à fuir ces prédateurs, me traquant et me chassant sans vergogne. Arrivée à destination, je claquai la porte derrière moi, tentant difficilement de reprendre ma respiration.

Mais alors que je me pensais enfin en sécurité et au calme. Mes yeux tombèrent sur Cassandre, face à moi, m'attendant de pieds ferme, visiblement très en colère et inquiète. Bon sang... Il ne manquais plus que ça...

C'est pas vrai, qu'est-ce qu'elle fais là ? Pourquoi est-ce qu'elle est déjà à la maison ? Je regarde l'heure nerveusement.

- Je suis rentrée plus tôt, j'avais une prof absente.

Je la regarde comme si elle était un monstre. Bon sang pas ça. Il ne fallait pas qu'elle soit la. Il ne fallait pas qu'elle me voit comme ça... Elle ne peut pas me voir dans cet état, c'est pas possible, je suis trop vulnérable, j'ai l'air d'un petit animal apeuré, ce qui à y penser, n'est pas vraiment qu'un simple air. Nan, je suis une figure d'autorité à ses yeux, je doit montrer que je suis forte, inébranlable. Il faut qu'elle ai confiance, qu'elle puisse se reposer sur moi sans se poser de question. Si elle pense que je ne suis rien capable d'endurer, elle ne pourra pas s'en remettre à moi. On ne s'appuis pas sur un roseau, il se plie, casse, on sait d'avance qu'il ne tiendra pas sous notre poids... Je suis sa grande sœur, il faut... Il faut que je sois un saule pleureur, pas un roseau.

Tout est fichus. Je suis en train de tout perdre, absolument tout... Je n'ose pas la regarder, mes yeux sont fixés sur le sol alors que je me ratatine de plus en plus sur moi même.

- On m'a parlé de la vidéo.

J'eu l'impression qu'on me planta un énième couteau dans le ventre. Ou peut-être bien qu'on n'a faire qu'enfoncer et retourner celui qu'il s'y trouvais déjà. Elle sait. Elle a vu. Elle y croit. Elle a honte. Elle est en colère. Elle me déteste. C'est certain. Je l'ai perdu elle aussi, ce qui compte le plus à mes yeux...

- Je suis désolée Cassandre...

Ma voix est faible, étouffée par le nœud qui obstrue et compresse ma gorge. C'est tout ce que j'arrive à dire, les seuls mots que j'arrive à articuler, sans vraiment savoir s'ils ont un sens.

J'entends cassandre pousser un soupir, lève les yeux vers elle. Elle a l'air moins en colère, un peu plus calme.

- Je sais bien que c'est pas toi, tu n'y es pour rien.

Ces mots sont comme une bouffée d'air frais. Comme si on venait de retirer un peu du poids qui pesait sur mon dos. Pourtant elle semble toujours sur les nerfs, pourquoi ?

- Ce qui me fout en rogne c'est que tu ne m'en ais pas parlé ce matin.

J'essaie de bafouiller quelques explications et justifications bancales, qui semblent l'agacer plus qu'autre chose. Cassandre me fit m'assoir sur le canapé du salon et déposa un verre d'eau sur la table basse face à moi. Me laissant un peu de temps pour reprendre contenance. Je pris plusieurs grandes inspirations et bu le verre d'eau d'une traite. Elle m'en servit un deuxième qui me fit du bien également. Peu à peu je repris mon sang froid, la présence de ma sœur m'aidant grandement.

- Je savais que ta carrière dans le mannequina était une mauvaise idée.

Je fronçai les sourcils, j'ai un mauvais pressentiment, cette discutions s'engage sur des terrains verre glacés et particulièrement pentus. Mais je ne pu m'empêcher de répondre, d'un ton modéré cependant.

- Cette carrière c'est ce qui nous permet de vivre au lieu de survivre. C'est grâce à cette carrière qu'on a le confort de vie qu'on a actuellement.

Je crois que ma réponse n'a pas du tout plus à ma cadette. Je la vois se retourner vers moi, les yeux effarés et les traits du visages tirés par la colère.

- "elle nous permet de vivre" ?! Non en rien elle pas en train de nous faire vivre, au contraire ! Cette carrière est en train de te détruire Ingrid ! Ouvre les yeux !

Elle a haussé le ton sous le coup de la colère, ses mots sonnent comme des reproches et je déteste ça. Je ne suis pas une grande fan de ce métier, mais si je le fais, c'est pour elle, pour nous. Comment peut-elle être aussi ingrate ?! Je sens l'agacement s'insinuer en mon et mon ton le montre très clairement, d'une voix plus forte également, je ne pus m'empêcher de lui répondre.

- Je te signal que c'est pour nous que je fais tout ça ! Pour toi ! Pour maman ! Pour que tu puisse grandir sans avoir à te restreindre ! Pour que tu n'ais pas à subir les responsabilités de nos parents ! Je n'ai pas voulu ça plus que toi ! Tu crois que ça me fait rire de devoir jouer les divas, de devoir faire attention à chacun de mes geste, à chacune de mes paroles, de devoir me méfier de tout et de tout le monde ?! Je m'y suis faite c'est tout.

Je me laisse emporter, je lui cris presque dessus, cette discussion dégénère sévèrement... J'en étais sûre, ça ne pouvait pas bien se finir. Le ton monte de plus en plus, ce conflit s'envenime durement, ce sont nos émotions qui parle par pulsion, la vérité éclate en pluie de verre, ça faisait trop longtemps que cela menaçait d'arriver la pression des ressentiment aura eu raison de cette barrière de verre, et de nous...

- Je t'ai jamais demandé de faire tout ça !

- Maman l'a fait ! Elle m'a demandé de m'occuper de toi ! Si je n'étais pas là t'aurais été placée en famille d'accueil !

- Eh ben ça aurait peut-être été mieux !

Ces mots me firent l'effet d'un coup de masse. Mon cœur se serra si fort que je cru qu'il allait imploser. J'en restais bouche bée pendant un moment. Elle aurait vraiment préféré être transférée dans une famille d'accueille ? Elle aurait été mieux là haut qu'avec moi...? Je n'eu pas le temps de faire quoi que ce soit que Cassandre avait tourné les talons et quitta le domicile en claquant la porte derrière elle. Je lui courus après dans le couloir de l'immeuble par reflex, la colère parlant pour moi.

- Cassandre revient ici tout de suite !

De l'autre bout du couloir, dévalant déjà les escalier à toute allure elle me hurla, la rage aux dents.

- T'es pas ma mère !

Cette dernière phrase finit de m'achever... Je m'écroulai au sol, vidée de tout. D'émotions, d'énergie. La porte se referma doucement devant moi et avec elle s'envolait tout mes espoirs de bonheur. Il ne me reste rien... Plus rien...

C'est terminée. Mon combat est fini. Il ne me reste plus rien... Qu'est ce que j'ai fais ? Pourquoi est-ce que tout à si mal tournée, aussi vite. Pourquoi je n'ai plus le contrôle sur rien. Absolument tout me file entre les doigts et mes tentatives d'arranger le problème ne font qu'empirer les choses... C'est exactement comme si j'essayais de contenir de l'eau entre mes mains. J'ai beau les serrer de toutes les forces entre elles pour en faire un récipient, l'eau s'écoule encore et toujours, et plus je bouge pour arranger les choses, plus l'eau s'échappe vite...

Cassandre est dehors, seule, et je n'ai aucun moyen de savoir où elle est allée... Il lui est peut-être arrivé quelque chose ? Peut-être qu'elle a fait une mauvaise rencontre C'est ma faute, elle est en danger et c'est ma faute ! Elle est petite, elle ne peut pas sortir seule ! Il va lui arriver quelque chose et je n'aurais pas réussit à la protéger ! Si elle est kidnappée ?! Ou agressée ?! Elle est trop jeune, elle ne pourra pas se défendre ! J'ai envoyé ma sœur dans la fosse aux lions ! Il faut qu'elle rentre, il faut absolument qu'elle rentre !

J'attrapai mon téléphone et appelai ma sœur, il y eu de longues notification sonore. Et au fur et à mesure qu'elles se multipliaient, je sentais mon angoisse grimper, encore et encore. Je tombai sur sa messagerie, une fois, deux fois, trois fois, quatre fois, cinq fois... Il n'y a rien à faire elle ne répond pas... Est-ce qu'elle voit mes appelés et les ignorent ? Ou alors il lui est arrivé quelque chose et elle se trouve dans l'incapacité de décrocher ? Qu'est-ce que je peux faire ?! Qu'est ce que je dois faire ?! Je vous en supplie, que quelqu'un m'aide...

J'ai peur, j'ai terriblement peur. Je suis terrorisée à l'idée que tout m'échappe ainsi, terrorisée qu'il lui arrive quelque chose. Je tremble de tout mon être, mon sang tambourine tellement fort dans mes tempes et ma poitrine que j'ai l'impression qu'il pourrait faire exploser ma peau à tout moment. J'ai chaud, vraiment très chaud, déjà le goût salé de la sueur se répand dans ma bouche, m'indiquant que je transpire à grosse goutte. Je ne suis plus m'aitre de mon corps qui réagit comme face à un danger. Il faut que j'arrive à fuir, mais fuir où ? Comment ? Je ne peux pas courir c'est inutile, ça n'arrangerai rien, alors comment ?

Mes yeux courent tout autour de moi, cherchant une échappatoire à cette situation, une solution miracle pour que tout revienne à la normal, pour que ce cyclone dévastateur rebrousse chemin ou au moins cesse sa progression... C'est alors que mes yeux tombent sur un placard, le placard qui pourra bien contenir de quoi me calmer, pour que je puisse reprendre mes esprits, remonter la pente, pour que je puisse trouver une solution.

Je me jetai alors sur le meuble comme un animal. L'ouvrit et attrapais une première bouteille. De la vodka pure. J'hésite un instant, une certaine morale m'intimant que ce n'est pas une solution, mais je la fais rapidement taire. Quelques gorgées ne devrait pas me faire de mal. Je débouche rapidement la bouteille et la porte à mes lèvres. C'est fort, vraiment fort. L'alcool me brule la et la gorge. Je bois encore et encore. Pourquoi est-ce que ça ne me calme pas ? Il faut que ça me calme ! Il faut que ça marche ! C'est que je n'ai pas assez bu, il m'en faut plus !

Rapidement, les gorgés devinrent des verres, et les verres des bouteilles. Les unes après les autres elles se vidaient, les cadavres s'accumulant sur le sol. Je finis par me sentir flotter, la tête complètement embrumée, et la réflexion devenait difficile. Alors j'étais heureuse, sereine. Plus rien ne semblait avoir d'importance. Et si quelque chose en avait, je n'étais de toute manière plus en capacité de m'en inquiéter. Mais ce n'est pas encore assez, je peux atteindre encore plus de tranquillité.

Ma visions s'amenuise de plus en plus, je me sens fiévreuse, je crois... Tout est de plus en plus flou, mes pensées, ce qui m'entoure, ce que j'entends, ce qui se passe... J'ai l'impression de ne plus être maitre de mon corps. J'ai l'impression de ne plus vraiment être là, dans ce monde, de cette réalité. C'est vraiment étrange. Je ne suis même plus sûre d'être encore conscience, peut-être que je suis dans un rêve ?

Enfin tout devient noir, tout s'éteins.

Enfin je peux être en paix.

Enfin l'angoisse n'est plus.  

Et mon corps inerte rejoint les cadavres des bouteilles, tout aussi vide qu'eux.

J'ouvre difficilement les yeux, légèrement éblouie par la lumière et ses reflets dans la pièce d'un blanc immaculé. Où est-ce que je suis ? J'ai l'impression de me réveiller d'un long et profond sommeil, mais ce n'est pas ma chambre. J'ai la tête complètement embrumée. Il me faut un petit temps pour m'adapter à tous les stimuli sensorielles qui m'entourent. Le bruit significatif de l'électrocardiogramme me fit comprendre que je suis à l'hôpital. Comment je suis arrivée là ? Je n'ai aucun souvenir de ce qu'il s'est passé...

- Ingrid !

La voix de Cassandre pourtant pas si forte que ça, me vrilla les oreilles. Je tournai la tête vers elle. Elle semblait très inquiète, ses yeux sont rouges et bouffis, elle a beaucoup pleuré. Je suppose que ça a un lien avec mon hospitalisation.

- Comment tu te sens ?

J'émis un légers grommèlement avant de me relever avec difficulté, mes muscles sont vraiment endoloris. Ma sœur m'aide à me positionner et me mettre dans une position confortable. Elle est très attentionnée, je ne sais pas ce qu'il s'est passé, mais elle a vraiment du beaucoup s'inquiéter.

- Ca va. Je suis juste dans les vappes... Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Face à mon air perdu, Cassandre resta silencieuse un moment. Elle semble se remémorer les évènements qui m'ont mener dans ce lit d'hôpital. De chaudes larmes commencent alors à couler sur ses joues. Je me sens mal de l'avoir inquiété et de continuer à le faire, je me sens responsable de ces larmes. Je culpabilise beaucoup, elle a du vivre quelque chose de vraiment pas facile, peut-être même traumatisant à cause de moi... C'est tout ce que je voulais lui éviter. Je dois la protéger, m'occuper d'elle pour la rendre heureuse... J'ai faillis à ma mission, je suis une mauvaise grande sœur...

Ne pouvant faire plus, je lui prends la main en signe d'excuse et de compassion. Elle se jette alors dans mes bras, pleurant à chaude larmes contre ma poitrine. Bon sang, ce que je me sens mal d'être la cause de ces pleurs... Je passai un bras dans son dos et la serrai contre moi. De mon autre main je lui caressai la tête pour la bercer doucement et l'aider à se calmer.

- C'est fini, tout va bien maintenant, je vais bien, tu n'as plus à t'inquiéter.

Elle continua de pleurer un moment contre moi, J'avoue être un peu confuse, je ne sais pas ce qui à pu se passer, la dernière chose dont je me souviens c'est qu'elle soit partie de l'appartement et que ça m'a beaucoup fais stresser, après ça, c'est le trou noir. J'arrive à comprendre entre plusieurs sanglots une phrase qui me fendit le cœur.

- Je suis vraiment désolée Ingrid ! C'est ma faute, j'aurais pas du te rajouter de la pression ! J'aurais du te soutenir pas t'enfoncer.

J'en tombe dénue, elle se sent responsable de ma présence ici... Elle pense que c'est elle qui m'a envoyé à l'hôpital... Je ne peux pas la laisser penser ça, je ne pas la laisser porter un tel fardeau. Je plaçai mes mains sur les joues de ma sœur, la forçant à me regarder dans les yeux.

- Cassandre, tu n'es en rien responsable de ce qui m'est arrivé tu m'entends. Je ne te laisserai pas penser ça, c'est de ma faute, c'est moi qui suis idiote d'accord. Tu n'as absolument rien à te reprocher, au contraire.

Elle hocha la tête et se jeta à mon coup, une nouvelle vague de larmes lui prenant. Je continuais de la bercer doucement jusqu'à ce qu'elle se calme, je ne la lâcherai pas, je ne la laisserai plus. Je ne lui ferai plus revivre ça.

C'est alors qu'un médecin entra dans la chambre. Ma sœur me lâcha et descendit du lit pour laisser le nouvel arrivant m'informer des nouvelles.

- Mademoiselle Aryrha, vous avez fait un coma éthylique violent. Vous êtes rester dans le coma pendant deux jours. Vous avez frôler la mort, mais ne vous inquiétez pas vous êtes sortie d'affaire.

J'ai honte, j'ai terriblement honte. Je n'aurais pas du faire ça, j'ai été trop faible face à la pression. J'ai été trop bête, trop faible...

- Heureusement que votre sœur vous a retrouvé à temps, sans elle vous seriez morte.

Mes yeux se dirigèrent vers ma sœur, elle a la tête baisser et se tripote les mains nerveusement. Bon sang, c'est elle qui m'a retrouvé... Elle m'a vu dans le coma, presque morte, elle a du appeler les secours, elle a du affronter toute cette épreuve traumatisante seule... Une nouvelle fois, je lui pris la main, comme une excuse, un regret. Elle m'adressa un demi sourire auquel je répondis, me voulant rassurante.

- Vous pourrez sortir demain matin, reposez vous d'ici là.

J'hochai la tête en direction du médecin qui quitta la pièce suite à ça. Ma sœur serra ma main plus fort, comme si elle avait peur que je ne reparte dans le coma. Comme réponse je la serrait plus fort également.

- Je suis désolée Cassandre, vraiment désolée... Je m'en veux que tu ai eu a vivre ça... Ca ne se reproduira plus jamais, je te le promet.

Les larmes recommencèrent à couler sur ses joues et elle baissa la tête.

- Je suis désolée pour tout ce que je t'ai dis, je ne le pensais pas... Je suis très heureuse avec toi et je ne veux pas te quitter ou aller en famille d'accueille... Je sais que tu fais de ton mieux pour nous. Merci d'être une grande sœur formidable qui t'occupe aussi bien de moi, je t'aime Ingrid.

Je sentis mon cœur se réchauffer, une vague de soulagement m'étreignant avec tendresse. Finalement elle est heureuse avec moi, je n'ai pas tout raté alors. Elle m'aime et tiens à moi comme moi je tiens à elle. C'est tout ce qui compte pas vrai ?

- Moi ausis je t'aime Cassandre, plus que tout au monde.

Je lui souriais et elle me pris à nouveau dans ses bras. Je la serrai fort contre moi, heureuse et rassurée qu'elle soit de nouveau à mes côtés. Après un moment à nous enlacer, elle s'éloigna un peu et me regarda dans les yeux.

- Les rumeur ont stoppé aussi. Il y a eu des preuves dans la presse que tu n'étais pas la fille de la vidéo. Et personne n'est au courant pour ton coma éthylique.

Je fus soudainement comme libérée d'un très lourd poids. Comme si tout allait mieux. C'est vraiment finit alors, je n'ai plus de problème, cette épreuve est passée ? Bon sang ce que je suis soulagée.

- Qu'est ce que je ferrais sans toi ?

Je posais un regard et un sourire fière et aimant, presque maternelle, sur ma petite sœur.  Cette gamine est formidable, qu'est ce que je l'aime.

Un rayon de soleil passe alors dans la chambre, illuminant la pièce d'une belle lumière joyeuse. Un sourire se pose sur mes lèvres. Ca y est, l'orage est passé.