Encore quelques retouches et vérifications de dernière minute et je serai prête. Ou en tout cas ce bijou le sera. Moi j'ai encore un peu de temps devant moi avant de devoir partir. Je vérifie la fluidité et la solidité du fermoir, il m'a l'air bien. Je range alors le bracelet à pierres dans un petit pochon de velours noir joliment décoré de faux dahlias roses et blancs. Je l'aime bien, c'est un joli emballage pour un cadeau.

Enfin ce n'est pas de moi le cadeau, mais on m'a demandé de le rapporter en main propre alors il est normal pour moi de faire les choses bien, je ne vais pas simplement redonner ce bracelet comme ça en vrac, ça serait pas professionnel, et je tiens à faire tout ça proprement. Même si ce n'est pas un travail officiel, j'ai été payée pour ça et il faut dire que ma cliente est une bonne connaissance. En effet, il y a quelques temps, une ancienne habituée de la boutique de ma mère, a repris contact avec moi. Elles discutaient toujours beaucoup toutes les deux quand cette femme venait nous acheter des fleurs. Elles s'entendaient bien, et vu que j'étais souvent fourrée dans les pattes de ma mère plus jeune, j'ai aussi beaucoup discuté avec elle, elle m'a un peu vu grandir en quelque sorte. Alors lorsqu'elle m'a contacté il y a quelques jours pour prendre quelques nouvelles et demander si je pouvais m'occuper de réparer le bracelet de son fils pour cadeau d'anniversaire, je ne me voyais vraiment pas refuser.

Je me demande quand même pourquoi elle voulait que je remette ce bracelet en main propre, et à son fils qui plus est. Je lui avais proposé de lui envoyer pas la post mais elle m'avait dit qu'elle ne voulait pas qu'il s'abîme de nouveau et quand je lui ai proposé de le lui remettre à elle, elle avait également refusé. Enfin, ce n'est pas bien grave, et puis comme on dit, le client est roi pas vrai ?

Une fois prête, je salue Cassandre, prends soin de ranger le cadeau dans mon sac et quitte l'appartement en direction du point de rendez-vous avec son fils. J'ai choisi un petit café chaleureux du centre ville. Je me suis dit que s'il voulait discuter un peu ça serait plus confortable. J'avoue que je ne sais pas du tout comment ça va se passer, je n'ai jamais eu à faire à ce genre de situation alors je préfère prévoir large. Dans le pire des cas, je prendrai un café seule et rapporterai un cookie à Cassandre, elle sera contente.

J'arrive finalement à l'adresse prévue et m'installe à une table. Je commande un latté caramel avec crème fouettée, oui la crème fouettée est très importante. Puis j'attends patiemment que mon rendez-vous arrive. De ce qu'elle m'a dit, il s'appelle Robin, les cheveux roux mi-long, d'un mètre quatre-vingt à peu près, il a un an de moins que moi puisqu'il vient d'avoir 22 ans. Je regarde l'heure, 15h53, je suis un peu en avance, il ne devrait plus tarder.

C'est alors que je vois un homme rentrer dans le café, il correspond à la description que m'en a fait Laure et semble chercher quelqu'un. Je l'appelai alors pour qu'il me remarque, lui adressant un petit signe de main.

- Robin !

Lorsqu'il s'approcha de moi, je me levai poliment et me grandis un peu pour lui faire la bise. Je pense que ça nous mettra plus à l'aise et je préfère faire une bonne impression et préfère ne pas installer une sorte de distance professionnelle. Je lui souris gentiment, je suis de bonne humeur il faut avouer.

- Enchantée, je suis Ingrid Aryrha, c'est moi que ta mère a contacté. Je t'en pris, assis toi et commande si tu veux.

Mon petit papier entre les mains, je cherchai encore à comprendre ce que ma mère avait voulu faire. J'espérais que ce n'était pas un plan tordu pour me faire rencontrer quelqu'un parce qu'elle trouvait que j'étais trop seul. Non, ça ne lui ressemblait pas. Mais alors pourquoi avait-elle dit que je trouverai mon cadeau d'anniversaire à cet endroit ? Un petit café du centre-ville. Tout ceci est bien mystérieux... Un sourire étira mes lèvres. Ma mère savait vraiment comment attiser ma curiosité. Et j'avais envie de savoir ce qui m'attendait là-bas. Tout ce que j'avais, c'était une adresse et une heure. Et en parlant de l'heure, on y était bientôt donc je ferais mieux de me préparer à partir.

Je savais où il se situait pour y avoir déjà été. En revanche, en y entrant, je ne savais pas du tout quoi, ou qui chercher. Je savais que ce ne serait pas ma mère, ce serait bien trop évident. Mais, alors que je regardais partout dans l'espoir de trouver un indice qui me mettrait sur la voie, j'entendis la voix d'une femme qui appelait mon prénom. Par réflexe, je me tournai vers la voix et aperçus une femme qui me faisait un signe de la main. Donc c'était bien moi qu'elle appelait. En me dirigeant vers elle, j'en profitais pour l'observer un peu. Elle semblait avoir à peu près le même âge que moi et avait de longs cheveux noirs et de beaux yeux bleus. Elle était bien habillée et portait même quelques bijoux qui ressortaient grâce aux couleurs de ses habits.

La jeune femme se leva quand j'arrivai à sa hauteur et je me figeai un instant quand elle me fit la bise avant de me reprendre et de lui faire également. Je ne m'y attendais vraiment pas. Et je n'avais pas l'habitude des contacts physiques avec des gens que je ne connaissais... pas ? En la voyant de plus près, j'avais l'impression de la connaitre de quelque part, mais impossible de savoir d'où... Ce que je détestais quand ma mémoire me faisait défaut ainsi. J'avais pourtant une bonne mémoire habituellement. Ca datait peut-être de mon enfance. Mais elle connaissait mon prénom déjà. Etait-ce ma mère qui lui avait dit ou est-ce qu'on se connaissait réellement ? Je répondis à son sourire par un autre, un peu plus discret, avant de m'asseoir.

"Enchanté Ingrid. Ma mère t'a contactée ? Je t'avoue que la seule chose qu'elle m'a donné c'est un papier avec une adresse et une heure. Elle n'a pas voulu m'en dire plus."

Un serveur rejoignit ensuite notre table pour prendre ma commande. Je réfléchis un instant avec de prendre un latté macchiato caramel. Je me reconcentrai ensuite sur Ingrid en attendant qu'il revienne avec mon café.

"Je suis désolé mais... est-ce qu'on se connait ? Ton visage me semble familier mais je n'arrive pas à savoir d'où."

Je crois bien que je me suis loupée pour ma première impression. J'ai bien senti que le contacte l'avait perturbé, mais je ne suis pas sûre qu'il soit très à l'aise de base. J'avoue que je ne le connait pas, donc je ne peux pas affirmer sa manière d'agir avec les autres de manière générale. J'ai peut-être fait un pas de travers c'est vrai, mais ce n'est pas si grave en fin de compte, dans l'absolu, on ne se reverra peut-être jamais. Après tout, c'est sa mère avec qui je m'entend bien, lui n'est là que pour son cadeau. Peut-être que j'essaie juste de me rassurer suite à mon erreur, c'est pas impossible.

Je pris le temps d'analyser son sourire, il est plus discret, ça laisse à penser qu'il n'est pas très à l'aise avec les inconnus. Je vais m'adapter à ça et rester plus sur la réserve alors. Je vois bien qu'il ne comprend pas vraiment pourquoi il est là ou pourquoi c'est moi qui me trouve à cette table.

- Je vois, elle m'avait prévenue qu'elle ne te dirait pas grand chose pour garder le mystère. Elle m'a chargée de m'occuper de ton cadeau d'anniversaire.

A vrai dire, même si nous avons beaucoup discuté par le passé, ça dois bien faire quartes ans que je n'ai pas revue Laure, c'est pas toujours évident d'imaginer le caractère d'une personne que l'on a pas vu depuis longtemps. On évolue tous au fil des années pas vrai ?

Finalement Robin commanda à boire lui aussi. J'avoue que j'avais imaginé la possibilité qu'il prenne juste son cadeau et parte, mais je suppose que c'est plus par politesse qu'autre chose. Sa mère est une femme adorable, je ne doute pas qu'elle l'a bien éduqué.

Il me regarde avec attention, je me demande bien ce qu'il a en tête, est-ce qu'il m'a reconnu ? Il est vrai qu'on ne s'est vu que de rares fois et que quelques petite minutes, lorsqu'il accompagnait sa mère qui venait nous acheter des fleurs. Je lui offrit un petit sourire poli.

- Pas vraiment, en fait, je suis la fille de la fleuriste chez qui allait souvent ta mère en faite. On a du se croiser quelque fois, mais sans plus.

J'avoue que dis comme ça, je me rend compte que j'ai peut-être été trop à l'aise pour lui lui faire la bise... Peut-être que je devrait désamorcer un peu la chose.

-  D'ailleurs, je me suis permise de te tutoyer et te faire la bise, mais si ça a pu te mettre mal à l'aise j'en suis désolée, ce n'était pas mon attention.

Je prends une petite cuillère de crème fouettée les yeux sur mon café. Je ne suis pas gênée, mais il est vrai que je préfère me faire discrète maintenant. Enfin il faut que je me fasse à l'idée qu'il n'est pas là pour créer des liens. Il doit juste attendre son cadeau, je ne devrais pas le faire attendre.

J'ouvre alors mon sac, et en sort le petit pochon noir que je dépose sur la table et pousse vers lui, un petit sourire sur les lèvres.

- Voilà pour toi. Joyeux anniversaire, j'espère que ça te plaira.

Le contact m'avait surpris, et un peu gêné mais je n'allais pas m'enfuir pour si peu. Après tout, ce n'était qu'une bise, elle voulait peut-être simplement être sympa. On faisait ça quand on voulait être gentil, non ? Moi et les codes... Mais bon, il fallait que je fasse un effort. Pour une fois, je n'allais pas m'enfermer dans ma solitude. J'avais bien envie de rester un peu, le fait de peut-être la connaitre me titillait bien plus que ce que je pensais. Et quand un truc mystérieux m'attirait comme ça, je creusais toujours jusqu'à obtenir la vérité. Un jour, ma curiosité me perdra. Mais en attendant...

"Oh, je vois..."

Mon cadeau d'anniversaire hein. A quoi avait elle pensé ? J'essayai d'analyser Ingrid pour trouver de quoi il en retournait mais je ne voyais pas vraiment d'indice. Si je devais rester pour découvrir la vérité, j'allais avoir besoin d'un latté. Je passai commande avant de me reconcentrer sur la jeune femme. Je n'allais pas partir comme un voleur, ça ne se faisait pas. Je n'étais peut-être pas doué de base avec les codes, mais je savais que la moindre des choses serait de rester discuter avec elle. Et peut-être même de faire connaissance. Si ça se trouve, je pourrais trouver en elle une amie. Ca faisait bien longtemps que j'avais oublié ce que c'était. Et je crois que ça pourrait être quelque chose qui me manquait. A vrai dire, j'en savais trop rien. Ca faisait bien longtemps que je ne connaissais plus cette sensation. Les livres et les recherches étaient mes seules compagnies depuis la disparition de mon père. Oula, dis comme ça, ça paraissait bien morose. Alors qu'au final, je ne m'en portais pas si mal. Et voilà que j'avais encore divagué. Je secouais un instant la tête pour l'écouter me répondre.

"Ah oui, je me souviens maintenant ! J'aimais bien cette boutique, toutes ces odeurs qui se mêlaient sans prendre le dessus sur les autres..."

Et voilà que je repartais encore dans mes souvenirs. Bon sang, il fallait que je me reprenne. Je levai les mains devant moi en riant doucement.

"T'en fais pas, ce n'est rien. Je ne m'y attendais juste pas. Je me doute bien que ton but n'était pas de me gêner."

Ca aurait été étrange que ce soit son but. Je remerciai le serveur qui venait de m'apporter mon café. Puis, je soufflai un instant dessus avant de prendre une gorgée. Je vis ensuite le pochon qu'elle me tendait en me souhaitant un joyeux anniversaire.

"Merci Ingrid."

Je le pris délicatement dans mes mains et l'observai. Un bel emballage. Je me demandai bien ce qu'il contenait. Je l'ouvris avant de faire glisser son contenu dans ma main. Quelle ne fût pas ma surprise quand ce fut un bracelet de pierres blanches et rouges qui s'y déposa. Ce n'était pas n'importe quel bracelet.

"Mais... C'est..."

Mes mains se mirent à trembler sous l'émotion. Ce bracelet, c'était un bijou que mon père avait ramené d'un de ses nombreux voyages. Je l'avais toujours trouvé magnifique. Mon père m'avait dit qu'un jour il serait à moi, que je devais être patient. Je le pensais disparu avec lui. Je tentai d'ouvrir le fermoir mais mes doigts ne voulaient plus m'obéir. Je n'arrivais pas à croire que c'était ça le cadeau de ma mère...

Ca y est il semble me remettre. J'avoue que moi aussi j'ai eu du mal à le reconnaître lorsque je l'ai vu rentrer, le fait qu'on ne se soit vu que quelques rares fois et pour très peu de temps ne doit pas favoriser la mémoire faciale. Et puis je pense que nous avons tous les deux changer en quelques années alors ce n'est pas étonnant qu'il ne se souvienne pas de moi directement.

- Merci pour le compliment, ma mère serait ravie de l'entendre.

Pour peu qu'elle s'en souvienne... J'ai un petit pincement au cœur en repensant à ma mère. Elle qui aimait tellement travailler là bas, parler avec les clients, composées de magnifiques bouquets et redécorer la boutique toutes les deux semaines en réfléchissant aux compositions florales qui s'harmonieraient le mieux avec les meubles et les lumières. Ma mère chérissait cette boutique comme la prunelle de ses yeux. Moi même j'y ai tellement de bon souvenirs, c'est difficile de tourner la page sur un endroit dans lequel on a vécu et grandi... Je pris une gorgée de café pour me changer les idées et faire passer ce goût nostalgique des souvenirs passés.

En tout cas, il ne semble plus trop se soucier des aises que j'ai prises avec lui. Il me rassure en me disant que ce n'est pas grave en tout cas, alors je vais pouvoir passer à autre chose.

Le serveur rapporta ensuite sa commande à Robien qui en prit naturellement une gorgée avant de s'enquérir de son cadeau en me remerciant poliment. Lorsqu'il sort le bracelet de son pochon, il en tombe dénue. Je vois qu'une grande émotion le parcours tout entier. Il n'arrive plus à parler et ses mains tremblent sous le choc. Laure m'avait prévenue que c'était un bijoux important pour lui, mais j'étais loin de m'imaginer que ça l'était à ce point. Il essaie d'ouvrir le fermoir, mais visiblement ses mains tremblent trop alors je m'autorise à intervenir quelques petites secondes.

- Je me permet.

Je prends délicatement le bijou de ses mains puis ouvre simplement le fermoir et lui passe le bracelet au poignet, sans dire un mot. je pense qu'il a besoin d'un moment seul sans que je n'intervienne, c'est un moment intense pour lui, ça ce voit. Je restait alors en retrait pour ne pas le déranger le temps qu'il reprenne ses esprits. Je ne sais pas vraiment pourquoi il a cette réaction, mais sa mère m'avait prévenue que ça pouvait arriver. Après un moment silencieux assez long, je me permets d'intervenir à nouveau.

- Est-ce que ça va ?

Je lui fis un petit sourire discret. Je n'avais fait que dire la vérité. Elle comme moi avions beaucoup changé durant les dernières années. Mais certaines choses restaient longtemps gravées dans une mémoire. Et la mienne avait retenu ces odeurs de fleurs, que j'associais donc à Ingrid et sa mère. En revanche, je crus distinguer un changement d'humeur sur le visage de mon interlocutrice. Elle semblait... triste ? Nostalgique ?

"Est-ce que tout va bien ?"

Je m'en voudrais d'avoir fait remonté de mauvais souvenirs. Pourtant, dans les miens, la mère et la fille s'entendaient bien. S'était-il passé quelque chose ? En soit, ça ne me regardait pas. Mais je ne voulais pas être à l'origine d'un quelconque mal être à cause d'une parole maladroite. Elle passa bien vite à autre chose et je la suivis naturellement. Autant ne pas s'attarder sur quelque chose qui déplait. Elle revint sur le fait qu'elle avait mon cadeau et me l'offrit. Mais je n'étais pas prêt à recevoir ce cadeau. Je ne m'y attendais pas et je ne parvins pas à cacher la surprise qui m'anima.

Ingrid a dû voir beaucoup d'émotions sur mon visage. Moi qui étais d'un naturel stoïque, voilà que j'avais perdu tous mes moyens face à un bijou. Elle devait trouver ça ridicule. Mais ce bijou avait une telle importance pour moi... Elle ne devait pas savoir, je doutais que ma mère lui ait raconté la signification de ce bracelet à mes yeux.

Je sentis ses doigts venir délicatement récupérer le bracelet de mes mains et je la laissais faire. Elle l'attacha sans problème autour de mon poignet et je le regardai en le caressant du bout de mes doigts. Il était là, accroché autour de mon poignet. Je ne rêvais pas. Après quelques instants de silence, la voix d'Ingrid me ramena à moi.

"Je ... Euh, oui. Excuse moi. C'est juste que..."

Je ne m'étais jamais vraiment confié à quelqu'un à propos de la disparition de mon père. A ma mère bien sûr, à un psy à un moment. Mais jamais à quelqu'un d'autre. Et en même temps, ce n'était pas comme si j'avais beaucoup de monde à qui en parler de toute façon. Mais là, c'était comme si je sentais que je lui devais quelques explications et qu'elle ne me jugerait pas.

"Ce bracelet appartenait à mon père. Il l'avait ramené d'un de ses nombreux... voyages. Je ne l'avais pas vu depuis... très longtemps et je le pensais disparu... Disparu avec mon père."

Si elle avait des questions, je pouvais lui répondre. Mais cette première explication me paraissait déjà pas mal pour qu'elle comprenne déjà pourquoi j'avais réagi ainsi en voyant le bijou.

Mince, je crois que j'ai trop laissé paraître mes émotions. Ce n'est pas dans mes habitudes ce genre de d'inattention ou d'égarement. C'est étrange. Mais je suppose que je suis assez à l'aise pour ne pas avoir à porter de masque, surement parce que je ne suis pas en travail et qu'à l'heure actuelle rien ne m'y lie. Robin ne semble pas me connaitre en tant que mannequin, il n'y a pas grand monde, le café est petit et personne ne me regarde. J'avoue que c'est étrange pour moi que l'on remarque ce que je ressens. J'ai un peu l'impression d'être prise en flagrant délit, ou d'être vue à nue, c'est vraiment déstabilisant. Mais je ne vais éviter de m'y attarder, ça empirerai les choses. J'agite alors une main devant moi comme pour balayer toutes ces pensés.

- Très bien. Excuse moi, je pensais à autre chose.

Je lui offre un petit sourire mi-rassurant, mi-gêné. Puis nous passons rapidement à autre chose. Je ne tiens vraiment pas à ce qu'il continue à lire en moi. Je lui donne son cadeau, et la réaction est immédiate et puissante. S'est impressionnant qu'un bijoux puisse à ce point provoquer des émotions, je me doute qu'il à une longue histoire et que c'est plus elle qui lui provoque ces réactions, mais cela reste impressionnant.

Je reste parfaitement calme et sereine face à ça, j'ai lu quelque part qu'une personne restant calme peut aider les autres à retrouver une stabilité d'esprit. Qu'avoir une personne calme à qui se raccrocher en cas de crise est utilise, cette personne devient une sorte de phare. Alors s'il en ressent le besoin, je peux être cette figure de tranquillité. Et auquel cas ça ne serait pas le cas, ses histoires personnelles ne me regardent pas, je n'ai aucun jugement ou avis à porter à son égard.

Il semblerait qu'il veuille se confier à moi ? Encore quelque chose dont je n'ai pas l'habitude. Décidément, ce garçon me sort de mes zones de confort, c'est perturbant. Je le laisse parler tout en prêtant une oreille attentive à ce qu'il me dit. Son père a disparu... Je vois, c'est donc pour ça que ce bracelet est si important pour lui. J'hoche simplement la tête pour lui montrer que je l'écoute et que s'il veut continuer il le peut et que s'il ne le souhaite pas, je ne pousserai pas plus loin. Je n'ai pas fouiner dans ses affaires.

Son père devait être quelqu'un de très important pour lui... J'aimerais pouvoir en dire autant, mais non. Je déteste mon père. Il nous a abandonné dès qu'il a eu trop peur de la responsabilité de deux filles. Il n'a même pas cherché à obtenir notre garde, il n'en avait rien à faire de moi ou de Cassandre. Tout ce qu'il voulait c'était sa petite liberté. Bon sang, on ne fait pas d'enfant si c'est pour ne pas en assumer le poids après !

Enfin il va falloir que je fasse taire ces ressentiments, ils ne sont d'aucune utilité et n'ont pas lieu d'être en ce moment. De toute manière, je vie très bien sans mon père. Il ne m'a pas donné d'attention et ne m'en donnera jamais, alors je fais de même.

Elle réagit comme moi tout à l'heure, balayant ma question d'un simple geste de la main. Un petit sourire discret orna un instant mon visage. Soit elle était très bonne menteuse, soit elle était du genre à être dans la Lune comme moi. Peut-être était-ce un peu des deux ? Ma curiosité me hurlait de l'interroger dessus, mais je me retins. Ce n'était pas mes affaires et je ne voulais pas la mettre mal à l'aise. Je fis donc taire les questions qui affluaient dans ma tête.

Elle trouva un moyen efficace de détourner mon attention. Le cadeau commandé par ma mère. Je repartis bien vite dans une autre dimension en le voyant. Pour une surprise, c'était une surprise. Ingrid ne sembla pas étonnée de me voir réagir ainsi. Peut-être que ma mère l'avait prévenue de l'effet que ce bracelet allait avoir sur moi. Elle me connaissait bien. La jeune femme resta calme et ce fut d'ailleurs sa voix qui me ramena à la réalité. Elle avait certainement eu la bonne réaction. C'était comme si elle partageait sa sérénité avec moi. Je sentis que, malgré les émotions, mon corps reprenait peu à peu le dessus. Je ne tremblais plus et mes idées commençaient à reprendre doucement leur bonne place dans ma tête. Je me reconcentrai alors sur elle afin de lui répondre convenablement sans m'embrouiller.

Elle sembla attentive quand je lui exposai brièvement la situation pour qu'elle sache pourquoi j'avais réagi ainsi. Ca m'avait paru normal de lui expliquer. C'était une réaction assez excessive que j'avais eu. Mais pour le moment, je ne voyais pas l'utilité d'aller plus loin dans mes explications. Elle savait le principal et je n'avais pas envie de rentrer dans les détails. Elle ne m'interrogea pas plus dessus, signe qu'elle respectait ma décision de m'arrêter là.

"Et donc... Ma mère t'a demandé de le réparer ? Est-ce qu'à tout hasard, tu pourrais m'en dire plus au sujet de ce bracelet ? Je ne l'ai jamais vu qu'au poignet de mon père, mais j'aimerai beaucoup savoir en quoi il est fait ou ce genre de choses."

C'était le genre d'histoires qui m'intéressaient beaucoup. Et peut-être que je pourrais en apprendre plus sur les voyages de mon père grâce à cet objet.

Il semblerait que ce que j'avais entendu était vrai, mon calme du déteindre sur lui parce qu'il su reprendre contenance, et est visiblement à nouveau maître de son corps. Tant mieux, celle-ci n'est pas forcément négative, mais je connais bien l'impact des émotions, et si elles ne sont pas destructrices elles sont tout de même éprouvantes et épuisantes. Et puis il n'est jamais agréable de se rendre compte qu'on ne contrôle plus sont corps mais qu'il est gouverné par nos émotions. Je parle en pleine connaissance de cause.

Robin ne sembla pas vouloir continuer plus que ça sur le sujet de son père disparu, je suppose que c'est un sujet douloureux pour lui. Il est toujours difficile de perdre un proche après tout, même s'il y a toujours des exceptions à la règle je présume. Fort bien, s'il ne veut pas détailler ce sujet de sa vie, pas de problème, je ne vais pas le forcer à m'en parler, je ne suis personne pour faire ça.

Il sembla ensuite avoir besoin de plus d'information sur le bracelet, je suppose qu'au vu de la réaction qu'il a eu, il est normal qu'il s'y intéresse plus profondément et que sa curiosité soit piqué. S'il ne s'attendait pas à revoir ce bijoux, il n'est pas étonnant qu'il ait pleins de questions à son propos. D'autant plus si ce bijoux à un lien avec son père, peut-être qu'avoir des informations sur ce bracelet l'aidera à se sentir plus proche de son père. Je ne sais pas trop à vrai dire, mais je suis en capacité de répondre à ses questions.

- En fait, le fermoir était cassé, alors ta mère m'a demandé de le réparer. J'avoue que ça n'a pas été très simple, il était salement amoché, j'ai même hésité à complètement le remplacer, mais vu que ta mère avait mentionné sa valeur sentimentale, j'ai préféré rester sur celui là. Enfin ne t'inquiète pas, il est comme neuf, mais s'il se casse à nouveau hésite pas, je m'en occuperais. J'ai compris le mécanisme de ce fermoir alors ça devrait être plus facile les prochaines fois.

Il est vrai que ça n'avait pas été une mince affaire, mais finalement j'avais réussi, et je n'en étais pas peu fière pour être honnête.

- Par contre je n'ai pas voulu toucher aux rayures sur les pierres, j'avais peur que ça retire de leur authenticité, mais je peux toujours les polir si tu veux. Pour ce qui est de leur composition, les pierres blanches sont faites en os et les rouges sont faites en pierre de corail dont les gisements se trouvent principalement en Malaisie, aux Îles Canaries, au Nord de l’Australie et au Japon. En lithothérapie, le corail rouge apporte de l'inspiration, de l'imagination, de la détermination et de la confiance en soi. Pour peu qu'on y croit, ce qui n'est pas mon cas.

Je comprends que certaines personnes y croient et je respecte, et je respecte totalement ça, mais pour ma part, leurs effets relèvent surtout de l'effet placebo. Enfin peu importe. J'avais fait quelques recherches pour être sûre de ce que je disais bien qu'il faut dire que ces deux pierres sont assez reconnaissables. Il faut dire que c'est un sujet qui m'intéresse, ce n'est pas pour rien que j'ai fait de la joaillerie mes études.

- Autre chose ?

Je lui offrit un sourire encourageant, s'il à d'autre question, qu'il n'hésite pas, je ferais de mon mieux pour y répondre, et par la même occasion prouver mon application dans mon travail.

J'avais retrouvé mon calme légendaire. Moi qui n'étais pas du genre à montrer autant mes émotions, tout était sorti d'un coup. Quand ça touchait au sujet qui concernait mon père, je perdais assez vite mes moyens. Le reste du temps, j'étais calme mais juste... ailleurs.

Ce n'était plus le cas à présent. Avec ce cadeau, elle venait de gagner toute mon attention. Je lui expliquais brièvement pourquoi ça m'avait autant touché, mais sans rentrer dans les détails. Je ne voulais pas l'embêter avec ça, c'était certainement trop privé pour l'intéresser. Et actuellement, je n'avais pas non plus envie d'en parler. Je voulais en apprendre plus sur ce fameux bracelet que je pensais perdu à jamais avec mon père. Mais non, il était bien là, dans mes mains. J'en profitais pour lui poser quelques questions. C'était l'occasion, elle avait l'air de s'y connaitre et j'aimais bien en apprendre plus quand ça concernait l'archéologie et mon père. Et là, en l'occurrence, ça portait sur les deux.

"C'est peut-être pour ça qu'elle l'a retrouvé. Sinon, mon père le portait tout le temps. Je te remercie d'avoir gardé ce fermoir. Ca me touche. C'est gentil, je demanderai ton numéro à ma mère. Enfin, si ça ne te dérange pas."

Je ne voudrais pas faire quelque chose qui lui déplaise. Ce serait dommage de la froisser, elle avait l'air gentille. Je préférai lui demander la permission, en quelque sorte. Je le regardai encore d'un peu plus près.

"Tu as fait un travail remarquable. Non, elles sont bien comme ça. Tu as raison, elles perdraient leur authenticité. Et j'y tiens beaucoup. Ce bracelet a une histoire qui me tient à cœur."

Je sortis rapidement une feuille pour prendre des notes de ce qu'elle me disait.

"Merci pour les précisions, je ferai des recherches à ce sujet. Hmm, je n'y crois pas vraiment non plus. Si je ne l'enlève jamais, ce sera pour une toute autre raison. Les souvenirs sont quelque chose de très fort, à mes yeux. Plus fort que d'autres choses."

Elle avait l'air emballé en me racontant tout ça. Voilà une jeune femme passionnée par son sujet, où je ne m'y connaissais pas. Son sourire m'encouragea à lui poser d'autres questions.

"Est-ce que tu sais comment ils ont réussi à donner cette forme arrondie à l'os et le percer sans le casser ? Dans mes souvenirs, c'est assez fragile. Est-ce qu'il y a une signification particulière d'avoir associé l'os et le corail rouge ?"

Un sourire était apparu sur mon visage, un peu plus apparent que tout à l'heure. Elle m'avait lancé sur un sujet qui m'intéressait, j'allais avoir du mal à m'arrêter.

Il semble heureux de ma décision de garder le fermoir d'origine du bracelet. Je me doutais bien qu'avec sa valeur sentimentale il voudrait que le bracelet soit le plus authentique possible. C'est le bracelets de son père qu'il veut, pas une copie. Je suis certaine qu'il n'a rien à faire du côté esthétique de ce bracelet, si ça avait un bracelet de pâte il l'aurait porté aussi. C'est bien le principe d'une valeur sentimentale, son importance et son histoire passe au-dessus de tout le reste.

- Oh ne t'embête pas, attends.

Je farfouille dans mon sac pour en sortir un calepin à spirales, je prends un stylo et y écrit  mon numéro de téléphone et mon nom en dessous. J'hésite alors un peu à écrire qui je suis, et donc à quoi sert ce numéro, est-ce qu'il s'en souviendrait. Il a l'air d'avoir une bonne mémoire sensorielle au vu de ses souvenirs de la boutique de ma mère mais est-ce qu'il en va de même pour les personnes. Enfin, vu l'émotion qu'il à eu tout à l'heure il risque pas d'oublier ce moment, si ? Finalement je décide de le faire, au cas où. Ça ne coûte rien. Alors en dessous de mon nom j'inscris "bijoutière joaillère". Je me prends alors à rêver un peu, ce bout de papier est comme une carte de visite. Elle n'est pas encore officielle mais un jour, j'en suis certaine, je pourrais avoir une véritable carte avec mon nom écrit en lettre d'or rose et qui indiquerait ma profession comme quelque chose de gravé dans le marbre. Un petit sourire prend place sur mes lèvres lorsque je vois se concrétiser cet avenir radieux, ce rêve que je touche du bout des doigts.

J'arrache ensuite la page du carnet et la lui donne avec ce petit sourire toujours posé sur mes lèvres. Mon cœur se réchauffe encore plus lorsque j'entend les compliments qu'il fait à mon travail et ma prise de décision vis à vis de sa valeur sentimentale. J'hoche la tête quand il fait à nouveau mention de l'importance de ce bracelet à ses yeux, je l'avais bien assimilé maintenant.

Il prit même des notes de ce que je disais, je vois, il est vraiment appliqué et sérieux. Je ralentis alors naturellement mon débit de parole pour qu'il ait le temps d'écrire ce qu'il juge important dans mes explications. J'écoute ensuite les nouvelles questions qu'il a à me poser et j'avoue que pour le coup je peux y répondre sans avoir eu à faire de recherche, il m'est arrivé de devoir travailler l'os dans mes cours et pour des projets de travail.

- Alors en fait, l’os est d'abord percé, mais pas avec de grosses perceuses ou un marteau, nan nous avons des outils beaucoup plus fins et précis pour justement ne pas abîmer la pierre, ou l'os ici en l'occurrence. Ensuite l'os est taillé puis sculpté pour former une perle. Il est blanchi dans de l’eau oxygénée diluée avant d’être teinté si nécessaire, ce qui n'est pas le cas du tiens pour le coup. Et enfin il est poli pour rendre la pierre plus lisse et douce." Pour ce qui est d'une signification particulière, je ne pense pas qu'il y en est, je pencherai plus pour une simple association esthétique, mais peut-être qu'elle en avait une pour ton père, ça je ne sais pas.

J'avoue que j'avais passé beaucoup de temps à chercher , j'avais même demandé à certains de mes professeurs, mais ils m'avaient tous répondus qu'il ne voyaient pas un lien plus qu'esthétique entre ces pierres. Parfois il ne faut pas aller chercher du sens à ce qui n'en a pas.

Je n'en revenais toujours pas. C'était le bracelet de mon père que j'avais entre mes mains. Et ma mère me l'avait offert pour mon anniversaire donc il était à présent à moi. C'était comme si j'avais une partie de lui avec moi, et ça me réchauffait le cœur. Je fus intrigué quand je la vis sortir un calepin, avant de comprendre qu'elle était en train de noter son numéro de téléphone. C'est vrai que c'était plus simple comme ça. Mais je ne me voyais pas lui demander directement. J'aurai eu peur qu'elle prenne ça pour de la drague ou je ne sais quoi. Alors que ce n'était vraiment pas mon genre. Et je ne voulais pas la déranger alors qu'elle avait déjà fait un travail monstre sur ce bracelet.

Elle sembla hésiter mais ajouta une petite chose en dessous de son numéro. J'étais curieux de savoir ce qu'elle avait noté. Mais la jeune femme sembla soudain perdue dans ses pensées. Je l'observai un instant sans rien dire. Comme moi tout à l'heure, elle avait une sorte d'émotions qui passait sur son visage. Un sentiment de plénitude et de bonheur que je ne voulais pas interrompre.  Quand elle arracha la feuille pour finalement me la tendre avec un petit sourire, je lui rendis aussitôt. Sa bonne humeur, comme son calme, était communicative.

"Merci. Est-ce que ça va ?Je jetai un oeil à la petite feuille.Ton prénom, ton numéro, ton métier... Ca ferait presque carte de visite."

Je ponctuai ma phrase d'un petit clin d'oeil. C'était peut-être à ça qu'elle réfléchissait tout à l'heure ? Quelle personne ne rêverait pas d'avoir une carte de visite ou un commerce à son nom quand elle fait son métier de passion ?

La conversation dériva à nouveau sur le bracelet et ses potentielles significations. Je pris note de tout ce qu'elle me disait et elle ralentit même pour me permettre de tout noter. C'était vraiment gentil de sa part. Elle me demanda ensuite si j'avais d'autres questions. Evidemment que j'en avais, beaucoup même. J'essayai de me contenir un peu. Mais j'avais l'impression de progresser dans les recherches qui concernaient la disparition de mon père. C'était important pour moi. Et en apprendre plus sur ses découvertes à lui, c'était un bonheur. C'était comme si je me sentais encore plus proche de lui. Elle me répondit sans problème et j'écoutai sa réponse sans l'interrompre, posant une main sous mon menton pour l'écouter avec attention.

"Oh je vois. C'est super intéressant ! Merci pour les explications. Pour la signification, je ferais certainement des recherches. Avec tous les livres de la bibliothèque, je trouverai peut-être quelque chose. A vrai dire, ce n'est pas mon père qui l'a fabriqué. Il l'a trouvé lors d'une de ses expéditions et il l'a gardé. J'avoue que je ne sais pas si c'est autorisé, mais ça fait longtemps déjà. Les superstitieux diront qu'une malédiction s'abattra sur moi. Méfie toi..."

Un petit rire m'échappa. Je ne croyais pas vraiment à ces choses là. Enfin, ça dépendait j'imagine. Je doutais qu'une malédiction quelconque soit à l'origine de la disparition de mon père. En revanche, j'aimais à penser que certaines choses n'arrivaient pas par hasard. Certains parleront de destin. Moi je ne lui donnais pas de nom spécifique. Juste, si ça doit arriver, ça arrivera. La vie est faite ainsi.

"Tu as l'air d'avoir fait pas mal de recherches sur le sujet. Si jamais tu veux en savoir plus sur des bijoux anciens ou d'autres choses, je pourrais peut-être t'aider ? Je m'y connais un peu dans tout ce qui touche à l'archéologie et les découvertes du monde."

Elle m'avait beaucoup aidé. Ca me ferait plaisir de pouvoir lui rendre la pareille un jour.

Il a dû voir que j'était dans mes pensées, voir que j'avais la tête dans les nuages. Il faut vraiment que j'arrête d'être un livre ouvert comme ça lorsque je ne suis pas au travail, ça pourrait finir par me porter préjudice. Lorsque je lui tends le papier, il me rend mon sourire. Je vois qu'il a eu la même pensée que moi, en effet on pourrait croire à une carte de visite. J'avoue être un peu surprise par son clin d'œil, je ne m'y attendais pas vraiment. Étant donné sa surprise lorsque je lui ai fait la bise tout à l'heure, je le pensais assez réservé. Mais peut-être que la joie de retrouver ce bracelet l'a tout de suite mis plus à l'aise. Je ris légèrement avant de lui répondre.

- J'aimerais bien, pour le moment je ne suis qu'étudiante, mais il me tarde de pouvoir ouvrir ma propre boutique.

Je me lançai donc dans de nouvelles explications sur la fabrication de ces pierres. J'avais dû faire ce genre de bracelets pendant certains de mes cours. C'est rare il faut l'avouer, nous travaillons plus dans le luxe et donc avec des métaux ou des pierres vraiment précieuses qui ne sont pas taillés en forme de perle. Mais il est arrivé que nous discutions de ce genre de bijou en perle quelquefois. Il m'écoutait attentivement et je dois avouer que ça fait du bien, j'ai peu de gens avec qui je peux parler de bijoux, et je n'ai pas besoin d'expliquer ce genre de choses aux gens de mon école. Et puis les journalistes ont tendance à n'écouter que ce qui les intéresse. Alors que quelqu'un porte vraiment de l'intérêt à ce que je dis, c'est plaisant je dois l'avouer.

J'hoche la tête lorsqu'il m'explique un peu plus précisément comment son père à obtenu ce bracelet pour lui montrer que je l'écoute aussi. Je ris avec lui lorsqu'il me parla de malédiction. Je suis du genre à penser que toutes choses qui arrivent sont des conséquences d'actes ou de choix, que si on veut quelque chose, il faut faire en sorte de l'obtenir et pas attendre qu'un quelconque destin fasse le travail à notre place.

- Heureusement pour moi que je ne suis absolument pas superstitieuse alors. Et puis, auquel cas, étant donné le tout le temps que je l'ai eu dans les mains et de tripoter dans tous les sens, je pense que je serais maudite aussi.

Un sourire amusé était posé sur mes lèvres. La discussion est plus légère que tout à l'heure, les émotions fortes sont descendues pour le mieux. Je pense qu'on peut se détendre maintenant. Je fus un peu étonnée qu'il me propose son aide sans vraiment savoir pourquoi. Alors j'hochai simplement la tête avec un petit sourire.

- Merci, je tâcherai de m'en souvenir.

Je pris une nouvelle gorgée de café, c'est qu'ils commencent à refroidir.

Ouvrir sa propre boutique. Un projet de toute une vie qui devait certainement lui tenir à cœur. Sa mère avait une boutique de fleurs. Elle, aspirait à avoir une boutique de bijoux.

"C'est un beau projet, je te le souhaite. Bon courage pour tes études. Tu dois être sur la fin comme moi non ? C'est combien de temps, les études de joaillerie ?"

Maintenant que j'étais un peu plus à l'aise et qu'on parlait de sujets qui m'intéressaient particulièrement, je risquais de me transformer en moulin à paroles. J'espérais que ça ne la dérangeait pas. Et au pire, j'imaginais bien qu'elle me dirait que ça ne me regardait pas ou qu'elle ne voulait pas m'en parler. Je ne m'en formaliserai pas.

Pourtant, quand elle se lança dans son explication sur les pierres, je sentis à quel point elle était investie. Elle aimait parler de ça. A vrai dire, j'avais l'impression de me voir quand on me parlait archéologie ou histoire ancienne. C'était agréable de voir autant de passion chez quelqu'un. Et j'avais l'impression que c'était assez rare de nos jours. J'étais réellement intéressé par tout ce qu'elle me disait alors je restai attentif jusqu'au bout.

Puis, je détendis encore un peu plus l'atmosphère en lui parlant de cette histoire de malédiction qui pourrait planer autour de mon bracelet. Il y avait ceux qui y croyaient dur comme fer, et ceux qui, comme moi, s'en amusaient. Je n'avais pas envie de finir comme tous ces gens qui se pensaient maudits et qui ne vivaient plus. Non, j'avais bien trop de choses à accomplir dans ma vie pour ne pas m'attarder sur quelque chose qui n'était pas réellement là. Et si malédiction il devait y avoir, et bien, elle me tomberait dessus le moment voulu. Je ne m'en préoccuperai qu'à ce moment là. A quoi bon se faire un sang d'encre avant, et certainement pour rien ?

"Un duo maudit. Le malheur va s'abattre sur Paris."

Après avoir encore une fois regardé mon bracelet, je ris doucement. Ca sonnerait presque comme un synopsis de film. Je devrais peut-être soumettre l'idée aux étudiants en cinéma de Paris. Je repris une gorgée de mon café, observant Ingrid, souriante. Ca lui allait bien de sourire ainsi. Et je trouvais que l'ambiance était bien plus agréable que quand j'étais arrivé. Elle comme moi étions plus détendus et on pouvait ainsi dériver un peu sur d'autres sujets. Je lui proposai même de l'aider. Mais au final, je ne savais pas vraiment si mon savoir pourrait lui servir un jour. Mais au moins, elle le savait. Je sortis mon téléphone et lui envoyai un message.

"Comme ça, si tu as besoin, tu as aussi mon numéro."

Je ponctuai ma phrase d'un petit sourire. Ca paraissait moins... étrange que je lui donne mon numéro de cette manière. Enfin, à mes yeux. Si ça se trouve, elle n'aurait pas vu de soucis à ce que moi aussi je lui écrive sur un bout de papier. Et j'aurai mis quoi en dessous ? "Expert en archéologie et histoire ancienne" ? Un rire discret m'échappa. Ridicule. Enfin, peut-être moins que "assistant bibliothécaire". J'adorai mon travail là-bas. Mais ce n'était pas ce que je voulais faire toute ma vie. Ca me permettait juste de payer mon logement et tous les trucs utiles comme me nourrir tout en assouvissant ma soif de savoir. J'aimais aussi beaucoup le calme qui y régnait.

"Est-ce que tu veux manger quelque chose ?"

On était à l'heure du goûter après tout, elle voulait peut-être grignoter quelque chose.

J'avoue qu'il est toujours agréable de parler de ses rêves et projets d'avenir, d'autant plus lorsqu'ils sont autant à notre portée que les miens. Ça procure toujours un sentiment de fierté et d'excitation peu comparable.

- C'est sur trois ans, mais j'ai commencé à mes 19 ans, je suis sur ma dernière année à priori, donc oui j'arrive sur la fin. Et toi, qu'est ce que tu fais comme études ?

C'est vrai qu'il ne me l'a pas encore dit, simplement qu'il s'y connaissait en bijoux anciens. Est- ce qu'il ferait de l'archéologie ? C'est ce qu'il me semble le plus plausible, mais je vais le laisser répondre, peut-être me fera-t-il découvrir une branche que je ne connais pas.

Sa blague et les enchérissements que nous y apportons nous font bien rire et je comprends alors à quel point l'atmosphère s'est détendue depuis le début. Il faut dire que c'est agréable de discuter avec lui, il est gentil, attentif à ce que je lui raconte, il manie l'autodérision, enfin, c'est un bon partenaire de café. Cette pensée me fit rire intérieurement, je ne pense pas que la fonction partenaire de café existe, mais tant pis, je peux bien l'inventer. Un sourire amusé se posa sur mes lèvres, restant tout de même discret.

Je vis Robin sortir son téléphone et visiblement pianoter dessus, peu de temps après je reçus un message. Je jetai un œil à l'écran et y vu un message d'un numéro inconnu. Je lus rapidement le message et compris qu'il venait de Robin et que c'était sa manière de me donner son numéro. Je déverrouillai alors l'appareil et enregistrai son nom dans mon téléphone. Le petit sourire qu'il avait mis à la fin de son message, bien que virtuel, était contagieux je dois l'avouer puisqu'un petit sourire se mit à planer sur mes lèvres. Je répondis simplement par un sourire composé d'un double point et d'une parenthèse pour lui assurer qu'il n'avait pas fait un faux numéro.

Il me demanda ensuite si je voulais manger quelque chose ou pas. Pendant un instant je me suis demandé s'il cherchait à savoir si on en avait fini et s'il pouvait partir, ou s'il m'inviter à rester manger avec lui. Je jetai un coup d'œil à l'heure, il est 16h à peu près, je suppose que c'est pour ça qu'il pose la question, il doit me proposer de prendre le goûter avec lui. Il ne semble pas non plus avoir envie de fuir, alors je suppose que je peux rester sur cette hypothèse.

J'avoue ne pas vraiment avoir l'habitude de manger à 16h, je n'ai jamais eu cette habitude, ma mère ne préférait pas gaspiller d'argent là dedans, nous n'étions déjà pas particulièrement aisées. Et même si c'est une habitude que j'ai tenue à donner à Cassandre lorsque j'ai repris sa charge, jugeant ce petit privilège important pour son plaisir, je n'ai pas voulu en faire de même, pour des raisons économiques et parce que mon travail de mannequin ne me permet pas de prendre du poids. Je dois faire très attention à ce que je mange, mais ce n'est pas vraiment un problème, je me suis toujours beaucoup restreinte. Cependant, j'avoue avoir faim pour le coup, je crois que je n'ai rien mangé depuis hier soir, alors je suppose que je peux bien me permettre une petite sucrerie. Dans le pire des cas, je ferai un peu plus à ma prochaine séance de sport. Résolue, j'hochai la tête.

- D'accord, j'avoue avoir un peu faim.

Je m'emparai de la carte et jetai un œil du côté des desserts. Il faut que je fasse attention, mon latté caramel avec crème était déjà bien calorique, il faut vraiment que je prenne un tout petit truc. Une fois décidée, je vérifie que Robien n'ai plus de carte en main et hèle un serveur pour qu'il vienne prendre notre commande.

- Je vais vous prendre le trio de mini tartelette framboise.

Le serveur me demanda si j'étais sûre de moi en précisant que c'était vraiment tout petit comme encas. Alors j'hochai simplement la tête. Mes yeux tombèrent ensuite sur Robin attendant patiemment qu'il choisisse lui aussi ce qu'il veut manger, enfin si tant est qu'il veuille manger quelque chose.