Bon sang, depuis quand il y a autant d’attente au 18 ? Est-ce qu’ils sont surchargés ? Est-ce que d’autres seraient en train de les appeler pour parler de cette situation ? Ou peut-être que c’est mon téléphone qui ne capte pas ? Ce n’est vraiment pas le moment !

Doucement mais sûrement, la panique commence à me gagner. Je ne sais pas si les pompiers sont prévenus et l’édifice semble de plus en plus instable. Sans parler de tous ces inconscients qui restent là, les yeux rivés vers le ciel. Qu’est-ce qu’ils regardent d’ailleurs ? Il n’y a rien de plus qu’un échafaudage comme on en voit à tous les coins de rue.

Comme pour vérifier mes propres pensées, je lève à nouveau les yeux vers l’immeuble et me fige de surprise en constatant que quelqu’un, visiblement sans aucun harnachement, est en train de grimper sur la face du bâtiment, passant de balcons en balcons. Le plus surprenant dans cette histoire étant que je connais cette personne. Du moins, je ne connais personne d’autre qui arbore aussi fièrement une coiffure rose et bleue.

– Eve ?

Même si le fait qu’elle fasse ce genre de choses ne m’étonne qu’à moitié, je suis quand même prise de la soudaine envie de lui crier de redescendre. Chose que je ne fais pas pour plusieurs raisons. La première étant qu’elle ne m’entendrait certainement pas et, même si c’était le cas, il est très peu probable qu’elle m’écoute. La seconde étant que je n’ai aucune envie que la foule me regarde bizarrement en voyant que je crie à quelqu’un qui ne peut pas m’entendre. Et, la dernière raison étant qu’une voix m’a interpellée avant que je ne me mette d’accord avec moi-même pour faire quoi que ce soit.

Je tourne la tête vers la voix masculine et ouvre grand les yeux en constatant que l’homme en question semble vêtu d’un costume de super-héros. Ça pourrait très bien être une mauvaise farce, même si ce ne serait ni le lieu, ni le moment, mais, bizarrement, j’ai la sensation que je peux, et surtout que je dois, lui faire confiance. Son costume me rappelle celui de Cavalcade, l’homme qui a vaincu Gabriel Agreste au printemps de l’année dernière. Nous n’avons plus entendu parler de tout cela depuis mais il nous avait, à l’époque, expliqué assez rapidement que d’autres Astralisés et Gardiens des Miraculous pourraient apparaître. J’avais assez peu fait attention à cela à l’époque parce que je n’avais pas envie de me casser la tête sur un phénomène sur lequel nous avions si peu d’informations. Cela s’apprête peut-être à changer. Je le suis donc jusqu’à un coin de rue, un peu plus loin, et écoute ce qu’il a à me dire.

– La situation est urgente, j'espère que vous me pardonnerez d'être aussi indélicat. Je suis Antler, de l'ordre des gardiens. Vous connaissez déjà Cavalcade si vous avez suivi l'actualité de l'an dernier, disons que nous sommes… collègues.

Je me contente de hocher la tête. J’essaie de me concentrer un maximum sur ce que le dénommé Antler m’explique mais j’ai beaucoup de mal à arrêter de le détailler des yeux. C’est la première fois que je me retrouve face à un de ces super-héros modernes que sont les… porteurs de Miraculous ? Oui, je crois que c’est le terme.

– Ceci est un miraculous ; Il confère des pouvoirs comme les miens ou ceux de Cavalcade, pour les situations de crise comme celle-ci. Je n'ai malheureusement pas le temps de m'attarder, je dois pallier au problème, je laisse donc à Goggo la tâche de vous expliquer.

Je hoche à nouveau la tête, comme si le fait de voir apparaître une sorte de mini-mouette magique ne me posait pas de problème. À vrai dire, je me surprends moi-même à ce que la partie magique du processus ne soit pas ce qui me perturbe le plus. Est-ce que tous les porteurs ont des tenues aussi…moulantes ? Je veux dire. C’est limite indécent d’exposer ses muscles comme ça. Et il faut qu’il arrête avec ses lèvres ! Comment veut-il que j’arrive à me concentrer sur le sérieux de la situation alors qu’en deux minutes, il a déjà fait deux mouvements tous sauf anodins quand on a un corps pareil. Enfin, j’imagine que c’est anodin pour lui mais je suis… Mince. Plus sensible à la beauté que ce que je pensais.

– Si vous estimez que c'est trop, que vous ne pouvez assumer un tel rôle, Goggo me rapportera le miraculous. Mais…

Mon corps se paralyse quand sa main se pose sur ma joue. Mais, un instant plus tard, je me sens totalement détendue, prête à reprendre une réflexion cohérente. Il n’empêche que je ne peux m’empêcher de le suivre des yeux quand il s’en va, me laissant seule avec la petite mouette volante. Ce qui, finalement, pour une mouette, n’est pas si étrange.

– Bonjour. Je suis Goggo, le kwami de la Restitution. J'ai le pouvoir de faire remonter le temps aux objets. C'est génial, non ?

Je souris à la petite créature. Elle a l’air très enthousiaste et plutôt sympathique, bien que biologiquement inexplicable.

– Antler a raison, on n'a pas beaucoup de temps, alors je ne vais t'expliquer que l'essentiel. Tu pourras voir le reste avec lui plus tard. Si tu arrives à le lâcher des yeux.

Je me sens rougir un instant. Mon trouble était si évident que ça ? Ou elle a dit ça de manière généraliste ? Comme si c’était commun de ne pas réussir à le lâcher des yeux. Enfin, je veux bien croire que ce soit le cas… Ah bon sang, ça m’énerve ! Il faut plus que ça pour me perturber d’habitude ! Même si j’ai justement peu l’habitude que de tels spécimens de l’espèce humaine me caressent la joue…

Bref, je me concentre sur les explications de Goggo et hoche la tête quand elle me pose sa question finale.

– Il est hors de question que je laisse ces personnes en danger alors que je peux leur venir en aide. Merci à toi, et à Antler, de m’en laisser la possibilité.

Bien, ça suffit Ayane, on se concentre. Tu as accepté. Il faut faire le job maintenant. Je passe donc la montre à mon poignet et inspire un grand coup.

– Ok, je suis prête. Goggo, transforme-moi !

Je me retrouve alors affublée d’une tenue, heureusement moins moulante que celle d’Antler, mais totalement différente des vêtements que je portais un instant plus tôt. J’ai un lasso, accroché sur le côté de ma robe, et apparemment un pouvoir et des capacités surhumaines. Bon, quand il faut y aller.

Mais, qu’est-ce que je fais ? Il faudrait que je puisse monter sur l’échafaudage pour pouvoir secourir les ouvriers avant qu’ils ne tombent ou que la structure cède. Si j’essaie de sauter qu’est-ce qui se paSSE ?!

Bon ok. Je suis donc sur le toit. J’ai bien vu les images du combat de Cavalcade à la télé mais tout cela était tellement nouveau et surprenant pour tout le monde que je n’ai pas fait attention aux… détails techniques. Mais maintenant que j’y pense, c’est vrai qu’il avait tendance à sauter très haut. Franchement, je sais que nous sommes pressés mais Antler aurait pu prendre le temps de m’expliquer un peu plus de choses. Sans parler du fait que je n’entends plus la voix de Goggo. Je pensais pouvoir lui poser des questions après ma transformation mais ce n’est, apparemment, pas le cas. Bon tant pis, je vais bien réussir à me débrouiller. Premièrement, aller sur l’échafaudage, en douceur pour ne pas ébranler la structure plus qu’elle ne l’est déjà.

Je saute, le plus lestement possible, à côté d’un ouvrier qui me regarde, le regard empli de panique et de surprise.

– Qui êtes-vous ?

Ah. Bonne question ça. Vite Ayane, trouve un nom. Goggo t’a bien expliqué que ton identité devait rester secrète. Goggo. Mouette. Mouette. Oiseau. Ah, je sais !

– Je m’appelle Larini et je suis ici pour vous aider. Est-ce que vous pouvez m’expliquer ce qu’il se passe ? Pourquoi est-ce que la structure est si branlante ?
– Un de mes collègues a fait tomber son matériel. Je crois que ça a cassé quelque chose qui retenait l’échafaudage.

Oh, intéressant. Si je trouve ce qu’est ce « quelque chose », je pourrais utiliser « Retour » pour le faire revenir à sa place et stabiliser la structure. Encore faut-il le trouver. Je n’ai malheureusement que peu de connaissances en matériel de chantier…