Nathan Delune - Le Crime est son Affaire

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Hum … L’autobiographie … Pourquoi pas ?  C’est pas vraiment ma tasse de thé, mais qui sait ? Ca pourrait me servir dans un futur bouquin … Ou me ridiculiser si ça finit en ligne un jour ? Bon, bon, bon … Une phrase accrocheuse pour commencer.

Entre ombre et lumière, telle serait la meilleure façon de décrire mon enfance. Ma mère, Claire Delune, était à l’époque une actrice de théâtre à la renommée internationale, et mon seul repère dans mes jeunes années. Car mon existence était déjà intimement liée à un premier mystère : l’identité de mon père était un secret farouchement gardé par Maman. Même la plus innocente de mes remarques sur l’absence d’un Papa dans ma vie se heurtait à un mur de glace inexpugnable, et que ce soit pour mon bien ou le sien, je ne me suis jamais risqué à vouloir le franchir, malgré ma curiosité. J’aurais pu m’en soucier d’avantage, mais ma vie était bien trop fun pour ça, et pour cause : ma mère m’embarquait avec elle dans toutes ses tournées, aussi bien en France qu’à l’étranger. Avant même mes dix ans, je me retrouvais à évoluer dans un milieu artistico-mondain des plus captivants : acteurs, scénaristes et autres metteurs en scène furent les premiers à stimuler une imagination qui deviendra bien vite fertile.

Mais toute médaille a son revers, et malgré ce cadre privilégié, j'étais, au final, assez seul. Pas de camarade d'école puisque j'apprenais à "domicile", pas d'ami de mon âge à côtoyer plus de deux semaines ... C'est comme ça que, pour combler ce manque, j'en suis venu à créer mon petit univers. Mes premiers personnages prirent vie dans ma tête, et même si c’était rudimentaire, je savais déjà que mon imaginaire allait être mon meilleur compagnon de route.

Quelques années plus tard, je vis ma mère donner une représentation de La Souricière d’Agatha Christie à Londres. Ce fut pour moi une révélation : je devins fasciné par les histoires policières « à l’ancienne », ces meurtres insolubles et mystérieux résolus par des détectives saugrenus. Au gré de mes voyages sur les scènes du monde, je dévorai tous les romans de la Reine du Crime, avant d'enchaîner sur ceux de Maurice Leblanc, d'Arthur Conan Doyle, et bien d'autre encore …  

Bon, il s'agirait de condenser un peu ... Parce que si ça continue comme ça, je vais finir par parler de mon premier vélo ou de ma marque de gâteaux favoris, et je suis pas sur que ça intéresse grand monde ... Oh, je sais ! ELLIPSE TEMPORELLE !

Quelques années plus tard, j’étais déjà un jeune adolescent quand la grande Claire Delune se heurta à ce qu’on appelle pudiquement dans le métier « un creux » dans sa carrière. Adepte de la pensée positive, elle transforma cette absence de sollicitation artistique en, je cite «
une volonté d’offrir à son fils adoré une vie plus stable, plus normale. » Elle m’inscrivit alors au collège Françoise Dupont, en classe de cinquième. C’était une grande première pour moi, et je m’étais fixé un seul objectif : me faire des vrais amis à tout prix. Le problème, c’est qu’il y avait un monde entre ceux qui vivaient jusque là dans ma tête, et mes camarades de classe. Je suis vite passé pour le loufoque de service, plus intéressé par le Crime de l’Orient Express que par Super Pinguino. Et puis, niveau interaction sociale, j’étais … un peu à côté de la plaque ? J’avais beau essayer, au bout du compte, on finissait toujours par m’oublier.

J’aurais pu rester isolé encore un moment … jusqu’à ce que je tombe dans la classe de Caline Bustier en quatrième. Douce et attentive, l’enseignante avait su, comme avec beaucoup de ses élèves au fil du temps, m’aider à m’intégrer en valorisant mes prédispositions à l’écriture, et en créant des liens avec les autres élèves de ma classe. En clair, elle m’a permis d’accéder à ce qui allait devenir ma meilleure vie, ouvrant les portes de mon imaginaire, et par extension, celles de mon amitié, à toutes celles et ceux qui étaient suffisamment curieux pour les passer. Très vite, je me suis retrouvé à jouer de la guitare dans un groupe, organiser des parties de jeu de rôle, et participer à la rédaction du journal du collège, avec une bonne petite bande de copains. Mais le meilleur restait encore à venir …

Pas mal ça, ca tease un peu, ca fait jamais de mal.

Mes années de lycée auraient pu être relativement tranquilles, si un projet de classe ne m’avait pas amené à plonger la tête la première dans un univers que j’avais éludé jusque là : celui des podcasts et du stream. Il ne me fallut pas longtemps pour que l’idée de le conjuguer avec ma passion de l’écriture me vienne. Ainsi était né Crimes Obscurs, mon podcast audio où, dans le rôle de l’Inspecteur Stark, je reviens sur les affaires de meurtres les plus mystérieuses de l’histoire, pour en donner le fin mot à la manière d’une enquête policière. Au début, le succès a été … disons timide ? En même temps, c’était plutôt logique compte tenu des centres d’intérêts des gens de mon âge. Mais je prenais beaucoup trop de plaisir à pouvoir enfin partager mon univers avec le monde pour m’en soucier vraiment.

L’année du Bac (littéraire, bien sur) arriva à grands pas, tandis que mon activité en ligne prenait doucement de l’ampleur. Ma mère n’y était pas innocente : forte d’un rebond dans sa carrière cinématographique, elle ne manquait pas lors d’interviews de glisser un mot ou deux sur son fils et son podcast, ce qui me valut un net bond d’audience. Le diplôme en poche, je me retrouvais donc confronté à la question fatidique : Et maintenant, je fais quoi ? J’avais envie de faire un break avec les études, et en même temps, aucun job ne m’intéressait plus que ce que je faisais sur mon temps libre. J’en étais à ce stade de mes réflexions quand je reçus une offre que je ne pouvais pas refuser. Mofath Medias, un grand groupe spécialisé dans la diffusion de contenus en ligne me proposa un contrat pour produire Crimes Obscurs, sans intervenir dans le processus créatif. Ma mère m’incita fortement à prendre le temps de la réflexion, à envisager d’autres options. Mais sur le papier, c’était simple : on me proposait de me payer pour faire ce que je faisais déjà par pure passion. Mon choix fut rapidement fait.

Je me suis consacré à 100% à mon podcast, qui prit une autre dimension grâce aux moyens dont je disposais. Nathan Delune commença à être évoqué plus souvent que l’Inspecteur Stark. On était loin de la notoriété des plus grands influenceurs du net, mais j’avais le droit à un peu de reconnaissance. C’est aussi à ce moment que j’ai rencontré Julia Renaud, une autre égérie de Mofath Medias spécialisée dans le lifestyle, et qui au fil de nos rencontres devint également ma petite amie. On a emménagé ensemble dans son appartement à Montmartre, et … ouais. C’était plutôt une bonne époque pour moi.

Oui bon, j’étais heureux, tout allait bien, on a compris. C’était censé être bref à la base, Nathan. Là je m’étale. La conclusion maintenant.

L’année 2023 marqua plusieurs tournants décisifs dans ma vie. Crimes Obscurs avait évolué au fil des ans, l’aspect narratif prenant le pas sur l’aspect factuel. L’Inspecteur Stark était devenu un personnage à part entière, et c’est tout naturellement que l’opportunité d’écrire sa première aventure originale se présenta. Je me suis donc lancé dans l’écriture de mon premier roman, bouclant ainsi la boucle de cette folle aventure. Malheureusement, je n’étais pas le seul dont la carrière évoluait. La notoriété de Julia avait atteint de nouveaux sommets, et avec eux, des propositions alléchantes. C’est ainsi qu’elle fut courtisée par un conglomérat de marques dont elle allait devenir l’ambassadrice, à la condition qu’elle déménage à Dubaï. J’étais vraiment heureux pour elle … Jusqu’à ce que je comprenne que je ne faisais pas partie des bagages qu’elle emmènerait avec elle. Nouvelle vie, nouveau départ, etc … J’aimerais croire que cela lui avait posé un vrai dilemme moral, mais au vu de la rapidité avec laquelle elle avait opté pour une rupture, je ne me faisais pas vraiment d’illusions.

Voila … A à peine quelques semaines du lancement de mon livre, je me retrouvais célibataire, et contraint de retourner vivre chez ma mère, dans un arrangement qui, je m’en rendais bien compte, ne pourrait être que temporaire. Même si elle était fière de mon succès, elle semblait avoir une dent contre Mofath Medias, et chaque évocation de mon employeur la faisait grincer des dents. Pas l’environnement idéal quand on essayait de reprendre le dessus et de garder la pêche après un revers sentimental. Autrement dit, j’allais devoir compter sur le soutien de mes amis, et surtout, d’un peu de chance, pour réussir à rapidement remonter la pente. Une chose était sure : mes aventures ne faisaient que commencer.