Un début de matinée comme je les aime. Il fait beau mais l'été commence à s'en aller donc la température n'est pas encore montée trop haut. Je descends prendre mon petit déjeuner alors qu'il ne semble y avoir personne dans la maison. Tout est calme, c'est vraiment agréable. Un matin de vacances, comme il en reste peu. Je secoue la tête en pensant à mon entrée au lycée qui se profile. Je stresse un peu mine de rien. Nouvelle école, nouveaux profs, nouveaux amis. Quoi de mieux pour me faire monter une boule au ventre. Mais à quoi bon penser à cela maintenant ? Je me tracasse pour rien.

Après avoir tout nettoyé, je monte dans ma chambre pour enfiler une tenue de sport. J'ai besoin de me dépenser, je vais aller courir un peu au parc. Une fois ma brassière et mon short enfilés, je me saisis de mes écouteurs et sors. Maison fermée, clés dans la poche, musique démarrée, je peux y aller. Je trottine au rythme de la musique, regardant droit devant sans vraiment me préoccuper de ce qui m'entoure. J'ai besoin de me vider la tête alors le rock qui pulse dans mes oreilles m'accapare bien plus que mon environnement.

J'arrive enfin au parc et fais quelques tours encore. Mais j'ai besoin de boire et marcher un peu alors j'enlève un écouteur et essaie de me ressourcer et de récupérer tranquillement. Je me retrouve dans un coin un peu éloigné, il y a très peu de monde et j'en profite pour m'installer sur un banc libre. Tête en arrière, je profite du vent qui glisse dans mes cheveux, exceptionnellement remontés en queue de cheval.

Mais un couinement vient briser le silence du parc et m'interpelle. Il semble provenir de sous le banc. Je m'accroupis pour voir ce qu'il y a et y découvre un petit chiot. Je tends très doucement la main, attendant que l'animal vienne me sentir de lui même.

"Ne t'en fais pas petit amour, je ne te ferais rien. Je veux seulement t'aider."

Ma voix douce semble l'apaiser parce qu'il lèche ma main. Je le saisis délicatement pour le sortir de là mais il pleure de plus belle. Je me dépêche de le poser sur le banc et remarque une plaie sur sa patte arrière. J'essaie de calmer l'animal avec des caresses. Animal qui s'avère être une petite femelle.

"Oh ma belle, qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?"

Oui, je parle aux animaux. Toujours. Mais alors que je continuais de lui parler, je vis une ombre qui me recouvrait. Alors je me retourne pour voir qui est derrière moi. Et je vois mon voisin, Raphaël. Nous étions très proches quand nous étions petits, à discuter d'un jardin à l'autre, à aller jouer ensemble. Mais il a changé lorsque nous étions au collège ensemble. J'ai essayé de retourner vers lui mais il réagissait de façon étrange. Et, peu à peu, nous nous sommes éloignés. Ca m'a beaucoup attristée, et je ne désespère de retrouver mon ami d'enfance. Peut-être que ce jour est arrivé ?

"Hey, tu vas bien ? Est-ce que tu veux bien m'aider ? Cette pauvre petite est blessée."

Je lui montre la patte de la petite Golden retriever que j'avais posé sur le banc et qui est blottie contre ma main.

Aujourd'hui était un jour calme. Aucune trace des Scientifiques, ni du moindre immortel antipathique. Sa couverture discrète faisait effet, personne n'avait remonté sa trace jusqu'à maintenant. Tant mieux, ça lui laissait plus de temps pour réfléchir à comment retrouver son âme-sœur. Il avait déjà remonté plusieurs pistes, mais aucune des personnes qu'il n'avait vues jusque là ne s'était avérée concluante. Il n'avait pas ressenti le lien qui les unissait.

Sortant la tête des plans dans lesquels il était plongé depuis plusieurs heures, Raphaël se pencha sur un autre carnet. Il avait noté toutes les interventions des Scientifiques ces derniers mois, mais aucune ne s'approchait de lui, donc il avait encore de la marge.

- Raphaël ! Est-ce que tu peux venir deux minutes ?

Il soupira, rangea ses carnets, renfila son sweat par-dessus son t-shirt et un jogging par-dessus son short. La chaleur était intense mais, dans sa chambre, il pouvait fermer tous les volets pour se protéger du soleil. Ce n'était pas le cas dans le reste de la maison. Il descendit au rez-de-chaussée les mains dans les poches, chaussons aux pieds, son visage seul dépassant de ses vêtements. Sa "mère" l'observa avec un haussement de sourcil.

- Comment tu peux porter une tenue pareille par cette chaleur ? Bon, peu importe. J'aurais besoin que tu passes acheter deux-trois trucs pour le dîner de ce soir. J'ai beaucoup de choses à faire et je ne peux pas sortir. C'est trois fois rien, je t'ai mis une liste.

Il retint de justesse un soupir. Il n'avait pas envie de sortir, mais elle ne lui laissait jamais vraiment le choix, et elle l'avait gardé à l'abri des Scientifiques toutes ces années, il pouvait bien lui rendre ce service. Il acquiesça donc et récupéra la liste sur le comptoir avant de remonter pour enfiler un pantalon plus sortable et des chaussettes. Basket, jean, sweat et mitaines malgré la chaleur, il rabattit sa capuche sur sa tête et quitta la maison. Il ne pouvait pas laisser le soleil le toucher trop longtemps, et même si la supérette était assez proche, on n'était jamais trop prudent.

Il traversait le parc quand il entendit un couinement de détresse. Son instinct héroïque se réveilla et il regarda frénétiquement autour de lui, cherchant l'origine, jusqu'à apercevoir une chevelure rose familière, penchée près d'un banc. Son regard s'accrocha cependant à la blessure de l'animal assis sur le banc.
Du sang.
Elle n'était pas du genre à blesser les animaux, pas du plus loin qu'il se souvienne, en tout cas, mais il s'approcha quand même lentement. Les Scientifiques étaient capables de procéder à des modifications radicales dans la psyché de quelqu'un, et elle lui était proche, ils avaient pu la prendre pour cible. Cependant, la première phrase qu'elle lui adressa le rassura sur ce point. Elle était toujours elle-même.

Le chien, par contre, n'avait pas l'air bien. Sa blessure à la patte était inquiétante. Venait-elle d'une morsure, ou pire ? Il pencha la tête, intrigué.

- Tu as vu ce qui lui est arrivé ? Elle a peut-être été attaquée…

Est-ce que c'était un plan pour le faire baisser sa garde ? Ça aurait été mettre Artémis en danger, mais Ils en étaient capables. Ils ne reculaient devant rien pour mettre la main sur un immortel, qui plus est un inséparable. Il regarda autour de lui, méfiant, mais personne ne semblait être caché quelque part. Utiliser ses auras en public était risqué, mais il ne pouvait pas laisser un pauvre animal souffrir. Adressant un petit sourire à sa voisine, il se pencha sur la chienne blessée et serra son pendentif entre ses doigts pour charger la puissance de son aura de guérison dans sa main. Il faudrait un peu de temps pour qu'elle se charge ; l'inconvénient des limiteurs.

- Ça fait longtemps qu'on ne s'est pas vus.

Ils s'entendaient bien, avant, mais il avait préféré la tenir à l'écart de ses soucis. Elle ne méritait pas d'être mise en danger par des conflits d'immortels qui la dépassaient, en tant que simple humaine.

Je n'avais pas prêté plus attention que ça à son style vestimentaire. Je crois qu'à force, j'étais habituée de le voir avec son sweat et sa capuche sur la tête, malgré la chaleur de l'été. Je m'en fichais à vrai dire, chacun portait bien ce qu'il voulait. Il s'était approché lentement. Peut-être qu'il ne m'avait pas reconnue ? Après tout, cela faisait déjà quelques temps que nous nous étions éloignés lui et moi. On peut vite oublier le visage des gens, même proches. Et on peut vite s'en souvenir également. Il suffit d'une petite piqûre de rappel.

Je le regardais un instant alors qu'il se penchait pour observer la blessure de la chienne. De près, il ne semblait pas avoir tant changé que cela. J'avais vraiment espoir de retrouver notre amitié perdue. J'étais prête à accepter des changements afin de le mettre à l'aise si besoin. Je n'aimais pas voir mes amis rester seul. Et lui l'était. En dehors de sa famille, il ne voyait pas grand monde. Je le voyais régulièrement, enfermé dans sa chambre. De nombreuses fois, j'ai voulu aller sonner à sa porte, pour prendre de ses nouvelles. Mais je me ravisais à chaque fois. Il avait mis de la distance entre nous. Et malheureusement, je l'avais laissé faire. Je le regrettais, et je comptais bien saisir ma chance de lui reparler aujourd'hui.

"Non malheureusement, je n'ai rien vu. Elle était déjà là lorsque je me suis assise sur le banc. J'ai entendu presque instantanément ses cris. Tu as raison, ça ressemble à une attaque... Une morsure ? Il faut aller voir un vétérinaire alors ? Pour vérifier qu'elle n'a pas de maladies..."

Cela me semblait être la décision la plus sage. Ni lui, ni moi, n'avions la capacité de faire quoi que ce soit de plus pour elle. Je pris tout de même un mouchoir propre que j'avais dans une de mes poches et le posais délicatement pour enlever doucement le sang de la plaie. La chienne couina légèrement mais se laissa faire. J'en pris un autre pour enrouler sa patte dedans. Puis, j'enlevai mon chouchou pour l'enrouler autour et tenir le pansement de fortune. Mes cheveux tombèrent dans une cascade rose. Je me remis assise et pris la chienne sur moi pour la caresser. Pour la porter, elle devait avoir confiance en moi. Et rien n'était plus efficace que des caresses avec une voix douce. Et du temps. J'invitais Raphaël à s'assoir à mes côtés, et je pris le temps de lui répondre, tout en caressant doucement l'animal.

"Oui, c'est vrai... Je suis désolée, j'aurai dû passer te voir mais j'avais l'impression que.. tu voulais rester seul."

Je me mordis la lèvre. Ca ressemblait à une excuse. Et je n'aimais pas cela.

"Je n'aurai pas dû m'éloigner. Mais peut-être qu'on peut essayer de rattraper le temps perdu, qu'en dis-tu ? On a un peu de temps avant de l'emmener se faire soigner. Je veux qu'elle se sente à l'aise avant de la porter."

Je lui souris. Nous avions beaucoup de choses à nous raconter. C'était encore les vacances, autant en profiter. Je ne le voyais plus à l'école alors ce serait peut-être la seule occasion de renouer des liens. Je tournais un instant la tête vers la chienne.

"Et toi ma belle, ça va ? Tu te sens mieux ?"

Pour réponse, elle me lécha le bout du nez et je ris de bon cœur. Sacré farceur, ces animaux.

Bon, elle n'avait rien vu. Ça ne voulait rien dire, peut-être que l'attaque avait été discrète, faite dans l'ombre avant qu'elle arrive. Peut-être aussi qu'on avait effacé sa mémoire. Mais pourquoi attaquer un animal ? Les immortels étaient pour la plupart, comme lui, pourvu d'un régime alimentaire qui n'incluait pas les animaux et, de toute façon, ça ne ressemblait pas à une attaque de chasseur, plutôt de l'intimidation. Peut-être quelqu'un qui savait qu'il passerait par là et qui avait voulu lui envoyer un message. Il frémit à cette pensée. Si les Scientifiques avaient ce genre d'informations, ça voulait dire qu'ils se rapprochaient. un peu trop à son goût. La possibilité d'une morsure lui semblait moins probable. Ils auraient trouvé le responsable dans ce cas-là, non ? Ou le propriétaire de l'autre animal aurait fait quelque chose. D'autant plus que son aura ne semblait pas fonctionner. Il y avait quelque chose de louche à cette blessure. Une morsure normale aurait guéri par son simple contact. Lentement, mais quand même : là, il ne se passait rien. Ce n'était pas normal.

- Hm... Oui, peut-être... Ça éviterait des complications plus tard.

Un vétérinaire... C'était dangereux, ses ennemis pouvaient être partout, mais elle avait raison : si les Scientifiques avaient attaqué la chienne, elle était en danger. Ils pouvaient lui avoir conféré n'importe quelle maladie... ou n'importe quelle mutation pour l'utiliser comme arme. Dans les deux cas, seuls un vétérinaire pourrait vraiment faire quelque chose. Il s'efforcerait de rester discret et de ne pas trop attirer l'attention. S'il y avait un Scientifique parmi les vétérinaires, ou un Antagoniste, Artémis pouvait faire diversion en amenant le chien à sa place, mais il ne voulait pas la laisser toute seule face au danger. Elle était trop jeune pour ce genre de risque, et puis elle était humaine, en plus de ça. C'était trop hasardeux.

Il sourit doucement. Croyait-elle que c'était de sa faute s'ils se voyaient moins ? Elle n'était pas responsable ! Mais il ne pouvait pas lui dire toute la vérité, ça aurait été l'exposer à des dangers bien trop grands pour elle.

- Tu n'y es pour rien. Je ne voulais pas te mêler à mes histoires.

Il pouvait bien la rassurer sans trop en dire. L'essentiel était qu'elle ne se sente pas trop responsable de la situation. Il s'était éloignée pour la protéger après avoir découvert ses origines et la nature de ses ennemis, mais il n'était pas sans cœur et il l'aimait bien, il n'avait pas envie qu'elle culpabilise à ce sujet !

- Oui, si tu veux. De toute façon, je reste avec toi. Celui qui l'a attaquée est peut-être encore dans les parages, c'est dangereux.

Il en faisait aussi une cible... Mais de toute façon, si l'agresseur était encore là, il les avait vu parler, la laisser seule n'aurait été que fournir une occasion parfaite de s'en prendre à elle sans qu'il puisse faire quoi que ce soit pour l'aider.

Il s'installa sur le banc en scrutant les alentours, prêt à bondir pour la protéger si quelqu'un faisait mine d'attaquer. Son regard se posa un instant sur la chienne, visiblement peu traumatisée par ce qui lui était arrivé ou en tout cas toujours prompte à s'approcher des humains. L'avaient-il attaquée avec un animal mutant à leur botte ? Il ignorait les progrès qu'avaient fait les Scientifiques depuis leur rencontre dans sa vie précédente. Peut-être avaient-ils obtenu cette technologie, mais dans ce cas, ils étaient encore plus dangereux.

- Tu as vraiment un don, avec les animaux.

Peut-être qu'elle pourrait protéger celle-ci de ce que les Scientifiques lui avaient injecté. Les mutations dépendaient aussi du mental. Un animal aimé avait moins de chance de succomber au poison et de se laisser manipuler par les créations morbides de ses ennemis.

Raphaël semblait plonger dans ses songes. Alors en attendant qu'il me réponde, je continue de caresser la petite chienne toute tremblante. J'essaie aussi de regarder sa blessure, sans la brusquer, pour essayer de comprendre ce qu'il s'est passé. Elle se laisse un peu plus faire que tout à l'heure et je peux regarder vraiment de plus près. Cela ressemble vraiment à une morsure. Un autre chien peut-être, ou alors un chat. Cette chienne est toute jeune, donc toute petite, n'importe quel animal aurait pu s'en prendre à elle. Raphaël est d'accord avec moi pour le vétérinaire. Peut-être voudra-t-il venir avec moi ?

"C'est vrai. Au moins, la plaie sera nettoyée et pourra guérir plus vite. Tu voudras venir avec moi ?"

Sa remarque me rassura un peu. A vrai dire, j'avais peur qu'il m'en veuille. Je tiens beaucoup à notre amitié et j'aimerai que l'on puisse continuer à se parler et se voir, comme avant. Son sourire est communicatif et je lui rends.

"Je comprends. Mais tu sais, si tu as besoin, je suis là pour toi. Peu importe ce dont tu as besoin. On peut discuter, se voir à la maison, sortir... Je ne suis pas loin, n'hésite pas."

Je lui fais un clin d'œil avant de regarder à nouveau la petite chipie sur mes cuisses qui s'est à présent  mise à l'aise, s'endormant presque sous mes caresses.

"C'est gentil merci... Oui tu as raison, soyons vigilants. Des fois que celui qui est à l'origine de cela veuille revenir pour finir le travail."

Mon regard se voile un instant. Qui voudrait faire du mal à cette petite chose fragile ? Si c'est un humain qui lui a fait ça, en ordonnant à son animal d'attaquer ou je ne sais pas, c'est vraiment un acte ignoble. Qui mériterait d'être puni ! Je sens la colère monter en moi. Je ferme les yeux pour essayer de me calmer. Puis, je sens une langue sur mes doigts. J'ouvre à nouveau mes yeux et vois la petite chienne, à nouveau réveillée et qui me regarde, comme si elle était inquiète. Elle a dû sentir mon changement d'humeur. Je souris à nouveau et recommence à lui caresser la tête. Elle est vraiment adorable.

Je rougis en levant la tête vers lui. Sa remarque me touche vraiment.

"C'est gentil. J'ai toujours aimé les animaux, et je déteste les voir souffrir. A mon échelle, je ne peux rien faire à part les emmener chez le vétérinaire. Mais si je peux les aider à aller mieux, c'est ce qui compte pour moi. Les rassurer, faire en sorte qu'ils se sentent mieux... Ce n'est pas pour rien que je veux devenir vétérinaire !"

Je lui souris. Ca me fait du bien de lui parler comme ça, sans barrière entre nous. Je le regarde plus en détail. Il semble un peu fatigué mais il a l'air d'être en bonne santé. Je ne lui parlerai pas de ce qui nous a éloigné, il le fera s'il en ressent le besoin. A présent, il sait que je suis là. Mais on va pouvoir rattraper le temps perdu.

"Comment tu vas sinon ? Pas trop stressé par la rentrée qui approche ?"

Je pense que nous pourrons bientôt aller chez le vétérinaire. Mais j'ai envie de rester un peu assise sur le banc, à profiter de nos retrouvailles. La petite chienne ne semble pas souffrir et semble même bien ainsi installée. Au moins, elle pourra se reposer un peu.

Bien sûr qu'il allait venir avec elle. La laisser toute seule dans cette situation, c'était la laisser à la merci des Scientifiques qui avaient probablement manigancé cette attaque. Lui seul pouvait veiller sur elle dans cette situation et s'assurer qu'il ne lui arrive rien.

- Bien sûr. Je ne vais pas te laisser faire ça toute seule.

Il sourit doucement quand elle lui proposa son aide. Elle était gentille, c'était justement pour ça qu'il avait tenu à la garder à l'écart de toutes ces histoires. Les Scientifiques et les Antagonistes étaient des manipulateurs experts, il aurait détesté qu'Artémis se retrouve dans leur ligne de mire. C'étaient des monstres qui abusaient de la gentillesse des autres pour arriver à leurs fins et qui n'aurait pas hésité à se servir d'elle voire à la blesser. Par conséquent, il ne souhaitait pas lui parler de tout ça en détails. Parfois, l'ignorance apportait plus de sécurité.

Il hésita à répondre. Il l'appréciait et, parfois, elle lui manquait, mais la conscience du danger l'empêchait vraiment de lui promettre qu'il viendrait la voir. Il préféra simplement dire qu'il resterait avec elle au cas où l'agresseur reviendrait, et sa réponse lui tira un petit haussement de sourcil. Savait-elle à quel genre d'ennemis ils avaient affaire ? Il s'efforçait toujours de ne pas parler trop fort quand il réfléchissait à voix haute, mais elle habitait à côté. Elle semblait consciente que l'attaque contre la chienne était probablement volontaire, peut-être qu'il avait laissé filtrer trop d'informations.

- Il ne reviendra pas tant que je suis là.

Du moins, il l'espérait. Les Scientifiques œuvraient dans l'ombre parce que l'affronter en face était dangereux, il espérait que sa présence les dissuaderait. Il aurait tout le temps de trouver, plus tard, un moyen de garder Artémis en sécurité.

Sa façon de parler des animaux lui rappelait la manière dont lui considérait les humains. Des êtres à protéger de tous les dangers vicieux que les immortels pouvaient faire peser sur le monde. Croiser un immortel mal intentionné pouvait être aussi fatal pour un humain que croiser un humain mal intentionné pour un animal.

- C'est un métier difficile, mais je suis sûr qu'il est à ta portée. Tu as toujours été très intelligente.

Combiné à son amour pour les animaux, rien ne pouvait se dresser entre elle et son objectif.

- Oh, tu sais, j'ai eu mon bac cet été. J'ai d'autres choses à régler pour l'instant, donc j'ai rien de spécial à la rentrée. Et toi ? Tu entres au lycée, non ? Ou tu y étais déjà ?

Quel âge avait-elle, déjà ? Il n'était plus tout à fait sûr.

Je lui avais proposé de venir avec moi pour pouvoir passer plus de temps avec lui. Et, à dire vrai, je ne savais pas s'il allait refuser ou accepter. Je n'arrivais plus comme avant à savoir ce qu'il pensait. Il semblait un peu renfermé, comme s'il ne voulait pas qu'on puisse lire ses émotions sur son visage. Heureusement, il accepta et j'en fus très heureuse. Je lui proposais aussi de nous voir plus, comme avant. Il sourit mais ne répondit pas. C'est comme s'il voulait accepter mais qu'il ne pouvait pas, pour une raison qui m'échappe. Mais je n'ajoutais rien de plus. Comme je lui avais dit, j'étais là mais je ne le forcerai en rien.

Ma réaction sur l'agresseur sembla le surprendre. Pourtant, en y réfléchissant, je n'avais rien dit de spécial. Enfin, ça me paraissait logique. Les gens peuvent être cruels, alors ils pourraient vouloir revenir la tuer. Et si c'est un animal, ça ne me surprendrait pas non plus qu'il veuille aller au bout de ce qu'il a commencé. Je haussais les épaules. Je ne vais pas chercher à comprendre ce qui le perturbe, il me le dira au besoin.

"J'en suis certaine. Tu nous protègeras ! Tu es notre héros du jour à toutes les deux..."

Il ne laissera personne nous faire de mal, je le sais. Peu importe qu'il s'agisse d'une personne malintentionnée, d'un animal dangereux ou méchant. Je me sentais protégée, et je savais qu'il nous aiderait afin que la petite chienne soit soignée et sauvée. Je baillais un instant, posant l'espace de quelques secondes ma tête sur son épaule. Je ressentais la fatigue de ma course, et l'adrénaline qui retombait. Mais je me remis contre le dossier du banc bien vite. Je ne sais pas pourquoi j'avais spontanément posé ma tête contre lui. Je rougis aussitôt.

"Désolé, je... Je ne voulais pas... Je me suis sentie fatiguée d'un coup et..."

Et tais toi un peu, tu t'enfonces toute seule à ne pas savoir quoi dire. Un désolé aurait suffit. Je souffle un peu. Ce que je peux être bête des fois. Je me reconcentrais sur la chienne et le fait d'avoir dévié la conversation sur ma facilité à m'occuper des animaux me permis de penser à autre chose. Tout ce qui était en rapport avec les animaux me rendait heureuse. Et je ne pus empêcher un sourire de se former lorsque l'on discuta de cela. J'étais dans mon élément.

"C'est gentil. Je ferais de mon mieux pour y arriver en tout cas ! Et puis si un jour tu as un animal, je pourrais le soigner pour toi comme ça !"

J'adorais aider les autres. Et me dire que je pourrais aider mon ami s'il avait un animal me réchauffait le cœur. Tout ce qui m'importait c'est que mes proches aillent bien et soient heureux. Et même si on s'était perdu de vue ces derniers temps, je le considérais toujours comme un ami proche.

Ouais, tu parles d'une amie qui avait oublié qu'il avait passé son bac. Je me mis une tape sur le front.

"Oh mais oui, c'est vrai ! J'avais oublié... J'imagine que ça s'est bien passé pour toi ? Tu as toujours été doué à l'école. Oui, je comprends, c'est un peu compliqué de s'y retrouver après. J'espère que tu trouveras vite ta voie ! Tiens moi au courant. J'ai hâte de savoir ce que tu feras après. Oui, moi je rentre en seconde cette année. Toi tu pars du lycée et moi j'y entre..."

Quelque part, j'étais un peu triste. J'aurai aimé pouvoir le croiser dans les couloirs et discuter avec lui entre deux cours. Ou faire le chemin de l'école avec lui. Mais ce n'était pas possible. J'espérais que l'on se croiserait ailleurs. Mais il me semblait qu'il avait l'air bien occupé. Profitons déjà de ce moment de retrouvailles.

Héros du jour. Le compliment lui tire un sourire difficile à cacher. S'il en avait le temps, il serait un héros au quotidien mais, malheureusement, il devait être le plus discret possible pour échapper aux Scientifiques. S'il révélait trop ouvertement son existence et sa position, il ne serait pas un héros très longtemps. Il valait mieux laisser ce rôle à ceux qui ne risquaient rien. Rapahël se contenterait de petits sauvetages comme aujourd'hui et de ses propres recherches.

Il réfléchissait à la suite du plan de la journée, quand il sentit la tête de son amie se poser contre son épaule. Elle s'endormait ? Ou peut-être qu'elle avait été touchée par quelque chose. Les Scientifiques utilisaient des fléchettes soporifiques, les Antagonistes avaient leurs propres pouvoirs sur l'esprit des gens. Elle se redressa très vite mais l'inquiétude de Raphaël ne diminua pas. Elle était rouge. Est-ce qu'elle avait été attaquée ?

- Tu vas bien ? Tu as mal quelque part ?

Si on lui avait tiré dessus, elle avait dû sentir la piqûre de la fléchette. Ça n'avait pas l'air d'être le cas. Avaient-ils inventé quelque chose de plus dangereux et de moins facile à détecter ? Il ne pouvait pas laisser les Scientifiques mettre la main sur elle ! Mieux valait détourner la conversation et lui donner un tour plus banal, en parlant d'animaux et de choses de tous les jours. Elle l'y aida facilement en ramenant le sujet sur tout ça et sur l'école. Avait-elle compris qu'ils devaient se faire discrets ou était-ce une coïncidence ? Il espérait vraiment qu'elle n'en savait pas trop, et que les Scientifiques n'avaient pas eu l'idée de s'en prendre à elle pour obtenir des informations sur lui. Il avait pourtant été le plus invisible possible…

- Hm… Oui, j'imagine qu'on peut dire ça. J'avais un peu d'autres choses à penser sur la fin, mais je ne pouvais pas rester au lycée, donc j'ai passé mon bac du premier coup.

Il aurait dû dire "voulait". Pourquoi avait-il autant de mal à garder sa couverture en place ? Il fallait à tout prix qu'elle ne se doute de rien et pour ça, il devait passer pour un jeune humain normal. Sauf qu'il ne savait pas du tout comment faire ça. Il n'avait jamais été un humain normal, et ses tentatives de se mêler à la foule n'étaient pas spécialement concluantes.

- Vraiment ? Tu entres tout juste ? Eh bien j'espère que le lycée se passera bien pour toi. Mais tu es gentille, tu auras sûrement des amis rapidement !

Preuve, peut-être, de la distance qu'il avait pris avec l'humanité. Il estimait que les gens qui se moquaient de lui à l'époque le faisaient parce qu'il ne savait pas faire semblant d'être humain, et pas parce qu'il était trop facile de lui marcher sur les pieds. Pour lui, la gentillesse était une qualité humaine importante que les humains respectaient forcément. Après tout, ils admiraient tous les héros, non ? Ça voulait bien dire quelque chose. Et de toute façon, Artémis n'était pas seulement gentille. Elle était aussi forte, intelligente, jolie et très douée avec les gens et les animaux. Aucune raison que le lycée ne se passe pas à merveille pour elle !

Je savais que cette phrase ferait naitre un joli sourire sur son visage, et je ne m'étais pas trompée. J'étais contente de le voir ainsi, souriant et possiblement heureux. Lorsque je le croisais, il semblait toujours sur ses gardes, ou dans ses pensées. Mais il avait rarement ce sourire qui illuminait actuellement son visage. Puis, vint ma petite défaillance. Rien de grave, mais cela semblait l'inquiéter au plus au point. Pourquoi ?

"Non, non... Ce n'est rien que de la fatigue je t'assure... Je suis désolée d'avoir posé ma tête sur toi, ça a été comme... un réflexe."

De quand on était plus jeune, je pense. Mais on est plus âgé, plus mature, et j'ai eu peur de le brusquer avec ce geste aussi... banal entre amis. Je ne veux pas le faire fuir alors que nous venons à peine de nous retrouver. Heureusement, il détourna bien vite la conversation. Peut-être que ça l'avait tout de même gêné. Argh, il fallait que j'arrête de me torturer l'esprit, déjà que j'étais rouge pivoine il y a deux minutes. J'espère qu'il ne va pas trop s'attarder sur cela... Nous arrivâmes sur le sujet de l'école. Evidemment, j'avais gaffé en oubliant qu'il avait passé son bac cette année. Quelle mauvaise amie je faisais... Mais je tiquais sur un de ces mots.

"Pouvais pas ?"

Je l'avais un peu chuchoté en le regardant, me rendant compte qu'il ne voulait peut-être pas en parler, que c'était un sujet délicat.

"Enfin... hmm si tu ne veux pas en parler, je comprends bien sûr, ne t'inquiète pas."

Allez on rattrape un peu la possible bêtise. Je ris doucement, en comprenant qu'il est tout aussi perdu que moi dans nos âge et classe respectifs.

"Oui, j'entre à peine et... Je suis un peu stressée à vrai dire. J'espère aussi... Peut-être mais je suis... Trop timide..."

Je baisse la tête et souffle. J'ai réellement peur de cette rentrée. Je n'ai, à la base, pas beaucoup d'amis, et je ne suis pas sûre de les retrouver à la rentrée dans ma classe. Alors si je suis seule.. Moi qui ai du mal à aller vers les autres et à accorder ma confiance, ça risque d'être difficile. Je me reconcentre finalement vers le petit animal qui a relevé la tête vers moi. La petite chienne semble bien plus calme.

"Et si on essayait de se rendre chez le vétérinaire ? Elle semble plus posée."

Juste de la fatigue. Bon. Il s'était inquiété pour rien. Elle avait peut-être mal dormi - avec l'été, le sommeil était toujours plus difficile à trouver et il était généralement lui aussi très fatigué quand les mois d'été se terminaient. En plus, c'était bientôt la rentrée scolaire. Pour lui ça ne changeait rien mais pour elle, qui était encore à l'école, ça devait aussi être fatiguant. Tant que ce n'était pas un coup de ses ennemis, tout allait bien. Il aurait détesté la mêler à tout ça.

- C'est pas grave, t'en fais pas. Tu as le droit.

Ils se connaissaient depuis longtemps, il lui faisait confiance. Si elle trouvait confortable de s'appuyer contre lui, il ne le lui refuserait pas. Elle ne risquait rien tant qu'elle ne touchait pas directement sa peau et, même comme ça, ses catalyseurs l'empêchait d'avoir trop d'impact. Il était content d'avoir trouvé de quoi limiter ses pouvoirs.

Il tiqua en se rendant compte qu'il avait fait une gaffe en disant qu'il ne "pouvait" pas rester au lycée. Il réfléchit rapidement. Il ne pouvait pas lui dire la vérité et lui avouer que c'était dangereux car il était trop facile à trouver et à repérer. Mais comment aurait-il pu justifier ça autrement ? Ou peut-être que simplement...

- Je ne voulais pas rester au lycée. Pardon.

Oui, peut-être que juste faire comme si ce n'était qu'un petit lapsus accidentel suffisait à faire oublier ce petit détail. Après tout, beaucoup de gens se trompaient de mot en parlant, il n'était pas le premier, il y en avait même qui passaient à la télé tellement ils étaient improbables alors ça passerait inaperçu. Sûrement.

En tout cas, elle était en effet stressée par sa future entrée au lycée. Ça expliquait son coup de fatigue. Oui, il voulait se persuader que c'était ça et pas les Scientifiques qui l'auraient retrouvé. Il devait rester discret tant qu'il n'aurait pas trouvé son Âme-Soeur. Ensuite, les choses s'arrangeraient. Il pourrait peut-être s'occuper des Scientifiques avant de rejoindre le plan des immortels.

- Je suis sûr que ça va bien se passer. Tu n'as pas de raison de t'inquiéter, sois juste toi-même.

Tout le monde était obligé de l'adorer, c'était une humaine incroyable. Si les autres ne l'aimaient pas... Non, ça n'avait pas de sens. Ils l'aimeraient forcément. La petite chienne se redressa et Raphaël sourit en lui caressant doucement la tête.

- Oui, je pense qu'on peut y aller.

Pauvre petit animal... Qui que soit le monstre qui lui avait fait ça, ça ne pouvait pas être quelqu'un de bien, mortel ou non. Les Scientifiques n'avaient vraiment aucune honte ni aucune limite. Fulminant intérieurement contre ses vieux ennemis, il se leva du banc et aida Artemis à faire de même si elle en avait besoin. Ils avaient une mission, ils devaient l'accomplir avant que les agresseurs de la chienne ne décident de revenir.

Raphaël n'était pas gêné que j'ai posé ma tête sur lui. Il ajouta même que j'avais le droit de le faire. Je dois bien avouer que j'étais bien ainsi. Mais de simples amis font-ils ça ? Les meilleurs amis peut-être ? Tout était un peu confus dans ma tête, j'y réfléchirai plus tard. Je l'aimais bien et j'étais très heureuse de le retrouver, c'était tout ce qui comptait pour l'instant.

Finalement, il revint sur sa parole. Il s'était trompé de mot apparemment. Il ne voulait plus continuer ses études alors ? Etrange. Il me semblait qu'il aimait assez l'école avant. Peut-être que ça avait changé avec le temps. Avec le bac, il s'est peut-être rendu compte que ça ne lui plaisait pas. Ca me rassurait un peu que ce soit un simple lapsus. J'avais peur qu'il lui soit arrivé quelque chose. Du harcèlement, par exemple. Quand j'entends les adultes parler de ça, ça me terrifie. Je ne comprends pas que l'on puisse être méchant ainsi avec les autres. J'espérais qu'il savait que j'étais là pour lui s'il voulait parler de quoi que ce soit. Je posais ma main sur son avant-bras.

"Je suis certaine que tu trouveras quelque chose qui te plaira. Et, tu sais, si tu as besoin de parler, je suis là..."

Je ne voulais pas le forcer, juste qu'il sache qu'il pouvait avoir confiance en moi. Il essaya à son tour de me rassurer quant à ma rentrée prochaine. Ce qu'il me dit me remonta un peu le moral. Cela faisait du bien d'entendre ça. A vrai dire, je savais que si j'avais le moindre problème, je pourrais aller en parler avec lui. Il a toujours été une oreille attentive pour moi. Toujours à trouver les bons mots pour me rassurer. Un véritable ami comme il en existe peu.

La petite chienne releva la tête et il en profita pour la caresser. Raphaël semblait à l'aise avec les animaux. Je souris en voyant la petite complicité qui s'était installée entre eux. Mais il était temps qu'elle voit un spécialiste pour la soigner. Je m'aidais de la main tendue par Raphaël pour me lever. Je sentis un petit coup de jus en le touchant qui me surprit. Mais je gardais sa main dans la mienne, juste le temps de retrouver mon équilibre. Avec le poids de la petite chienne, il fallait que je m'habitue un peu. Je le lâchais ensuite, mettant mon deuxième bras pour porter l'animal. Je me dirigeais ensuite vers la ville pour rejoindre le vétérinaire. Il n'était pas très loin du parc, le trajet irait vite.

"C'est gentil de m'accompagner. Je suis contente de pouvoir passer du temps avec toi. Tu m'as manqué tu sais..."

Plus jeunes, on passait beaucoup de temps ensemble. Etant voisins, on pouvait se voir tout le temps. Mais depuis ce jour, il s'était éloigné. Je ne savais pas pourquoi, je m'étais beaucoup inquiétée. Mais il n'avait jamais voulu m'en dire plus. Je m'étais sentie très seule. Ca avait été un changement si brutal. Avec les années, j'avais accepté notre éloignement. Mais le revoir aujourd'hui ravivait mes souvenirs d'avant et me faisait beaucoup de bien. J'espérais que ce ne serait pas la dernière fois que je le verrais.

Trouver quelque chose qui lui plairait... Oui, c'était ce dont les humains se souciaient une fois le lycée terminé. Sa mère lui en avait déjà parlé. Université, travail... C'était trop compliqué pour lui. Ça impliquait d'être dans un endroit public, d'être visible au quotidien dans un endroit dont il ne pouvait pas s'échapper, c'était trop dangereux. Mais ses parents n'étaient pas au courant, alors il faisait profil bas pour l'instant. Il était encore assez jeune depuis son incarnation pour que ça ne lui pose pas de problèmes, mais il fallait qu'il trouve son âme-soeur rapidement s'il ne voulait pas que ses parents commencent à se poser des questions. Mais rien n'était sûr. C'était déjà sa sixième incarnation et il ne l'avait pas encore rencontrée, s'il devait attendre la prochaine...
Plus il se réincarnait, plus il était en danger. Les Scientifiques étaient de plus en plus doués, ils finiraient par retrouver sa trace.

- Ne t'en fais pas pour moi, je vais bien.

Parler... Non, c'était la mettre en danger. Mais il appréciait quand même sa gentillesse. C'était une preuve de plus qu'elle était quelqu'un de bien et qu'elle s'en sortirait sans problème au lycée. Les gens l'apprécieraient forcément, elle était géniale, et douce, et intelligente, il fallait être idiot pour ne pas l'aimer. Tant qu'elle restait en sécurité et que les Scientifiques ne remontaient pas sa trace, elle ne risquait rien. Il devait... peut-être la garder à l'oeil pour s'assurer qu'il ne la suivraient pas jusqu'à son lycée. Oui... mieux valait qu'ils continuent de se voir, comme ça il pourrait la protéger. C'était nécessaire maintenant qu'ils avaient été vus ensemble. Sans paraître trop proches, cependant, pour ne pas attirer plus d'attention que nécessaire.

Il tendit la main pour l'aider à se relever du banc. Avec la chienne dans les bras, ça serait plus simple pour elle. Leurs doigts se touchèrent, un petit arc d'électricité statique courut sur sa peau. Il faillit retirer sa main. Cependant, elle l'utilisait pour se redresser, alors il ne bougea pas. L'avait-il affectée avec une aura quelconque ? Normalement, il avait de quoi réfréner ses pouvoirs, donc ça n'avait pas de sens. À moins qu'elle ne soit... Non. Non, Artemis était humaine. Ça devait être autre chose.

- Oui, désolé. J'ai... eu pas mal de choses à régler.

Il sourit. Il était content de la voir malgré les risques. Elle lui avait manqué aussi. Ils se connaissaient depuis l'enfance et il avait toujours veillé sur elle. Même maintenant.

- Comment ça se passe, chez toi ? Ta famille va bien ?

Autant profiter du trajet jusqu'au vétérinaire pour prendre des nouvelles. Ils étaient voisins, mais il ne sortait plus beaucoup, alors il n'avait pas trop l'occasion de les voir, et ses parents n'en parlaient pas souvent.

Je ne pouvais pas me mettre à sa place. Depuis quelques années déjà, je savais ce que je voulais faire. Donc je savais vers quelles études me tourner pour ça. Mais ça n'était pas le cas de tout le monde. Et j'avais l'impression que Raphaël faisait partie de ces personnes qui ne savent pas trop où elles en sont et ce qu'elles veulent faire. Puis, il dit la phrase qu'il ne faut pas. Celle qui dit "Je vais bien" mais qui cachent d'autre chose. Je baissais la tête, cachant mon visage avec mes cheveux qui retombaient devant. Il était clair que quelque chose n'allait pas. Mais il était aussi clair qu'il ne souhaitait pas m'en parler. J'espérais sincèrement que ça irait pour lui. Et que ce n'était rien de grave. Qu'il était juste perdu et qu'il ne voulait pas m'embêter avec ça ou je ne sais pas. Je crois que ça me briserait le cœur s'il ne voulait pas m'en parler pour une toute autre raison en fait. Mais, en même temps, cela faisait si longtemps que nous ne nous étions pas parlés que je comprenais aussi qu'il veuille parler d'autres choses.

La petite chienne détourna mon attention de mes tracas, me redonnant le sourire. Puis, notre contact m'électrisa. Il semblait aussi surpris que moi, mais il ne retira pas sa main non plus. Heureusement pour moi, d'ailleurs, sinon je crois bien que j'aurai pu tomber. Je ne m'attendais pas à ce que retrouver mon équilibre soit si difficile. Mais l'animal pesait son poids, et cela faisait un moment que j'étais restée assise. Mais non, il garda ma main. Lorsque je le lâchais, je me rendis compte que ce contact me manquait déjà. J'avais rougi en sentant le coup de jus. Pourquoi je rougissais autant en sa présence ? C'était Raphaël, je le connaissais depuis longtemps. Tout avait toujours été si naturel entre nous. Mais, à présent, je ressentais l'envie de me rapprochais de lui, de le sentir près de moi, j'avais envie de reprendre sa main dans la mienne, pour avoir ce contact peau contre peau... Je secouais la tête. Mais qu'est-ce qui m'arrivait bon sang ?! Je le regardais du coin de l'œil, admirant son profil malgré sa capuche. Son petit côté mystérieux...

"Oh, oui bien sûr. Je... Hmm comprends."

J'espérais qu'il n'avait rien remarqué. Je me sentais honteuse de ressentir toutes ces choses en sa présence. Il fallait que je pense à autre chose. Ma famille. Parfait changement de sujet.

"Ca va ! C'est parfois compliqué mais on fait avec. Avec mon entrée au lycée, c'est un peu la course. Mais on gère au mieux."

Gérer mes émotions aussi c'est compliqué.

"J'ai vu tes parents, il n'y a pas longtemps. Ils avaient l'air d'aller bien. Et si tu veux passer à la maison, bientôt, je suis sûre que tout le monde sera ravi de te voir."

Surtout moi... Ahhh mais sérieux ! Pourquoi mon cerveau me joue des tours comme ça ? Je fais tout pour penser à autre chose mais tout me ramène à lui. C'est pas possible à la fin ! Une distraction, vite !

"Oh, nous arrivons."

Je m'étais arrêtée devant la porte du vétérinaire. Oui, nous étions arrivés. J'allais pouvoir me concentrer sur autre chose que mon cœur qui battait à cent à l'heure.

Tout à ses pensées et à ses théories, Raphaël n'avait pas conscience des troubles qui agitaient l'esprit de son amie d'enfance. Il s'en voulait un peu de ne pas être honnête avec elle, mais il n'avait pas le choix. Moins elle en saurait, mieux ce serait pour elle. Il craignait tout de même de la blesser en ayant l'air distant. Il devait juste se convaincre que ce n'était pas le cas, qu'elle comprenait qu'il ne pouvait pas tout lui dire, et ce même si elle ne comprenait pas pourquoi. Pour être sûr, cependant, que la conversation ne s'attarderait pas sur le sujet, il la détourna en demandant des nouvelles de sa famille.

- Mes parents sont toujours fidèles à eux-même.

Ils allaient bien, et ils ne changeaient pas. Ça lui convenait. Les immortels préféraient souvent les choses immuables, celles qui duraient dans le temps. Tout le reste, les changements d'humeur et autres coups de têtes, paraissaient rapidement erratiques et incompréhensibles. Mais il n'avait pas choisi cette famille pour rien quand il s'était réincarné. Ils étaient stables et peu changeants. Discrets, aussi, pour mieux pouvoir échapper aux regards des Scientifiques. C'était important.

- J'y penserai. Mais j'ai beaucoup de choses à gérer en ce moment, donc je sais pas trop si j'aurais du temps.

Il avait des carnets plein de données et d'informations à analyser, et il devait toujours garder l'oeil sur les activités des Scientifiques et des autres immortels, tout en s'assurant que ça ne prenne pas des proportions dangereuses pour le reste de l'humanité. Et si ça arrivait... il hésitait encore. Devait-il prendre le risque de dévoiler son identité, ou espérer que son âme-soeur se révèle de cette façon ? Elle devait bien commencer à prendre conscience qu'elle n'était pas humaine... Combien de vies leur faudrait-il pour se retrouver ?

- Si j'arrive à trouver un moment, je passerai.

Il fallait aussi analyser les risques d'être repéré avant. Au-delà d'attirer l'attention sur elle, si les Scientifiques prenaient conscience qu'ils se connaissaient, ils risquaient d'essayer de l'utiliser pour savoir où il se cachait. Ils étaient voisins, c'était d'autant plus dangereux. S'ils campaient près de chez elle, il s'en faudrait de peu pour qu'ils le trouvent.

L'arrivée chez le vétérinaire coupa ses plans et ses réflexions. Elle s'était arrêtée devant les portes et il jeta un oeil à l'intérieur pour s'assurer qu'il n'y avait aucune menace, mais personne ne regardait dans leur direction à travers la baie vitrée. Il y avait quand même un peu de monde dans la salle d'attente. Si la blessure de la chienne était un piège, le Scientifique qui l'avait orchestré était-il plus susceptible de se cacher parmi les patients, ou parmi les vétérinaires eux-mêmes ?

- Entrons. Je reste avec toi. C'est toi qui l'a trouvé, donc je pense que tu expliqueras mieux que moi ce qu'elle a.

Sans compter qu'elle s'y connaissait en animaux alors que lui, pas du tout. Il n'aimait de toute façon pas trop devoir parler à des inconnus - trop dangereux - et il était persuadé qu'Artémis était bien plus que lui dans son élément, ici. C'était le métier de ses rêves, après tout.

Chacun de nous se torturait l'esprit avec ses propres pensées. Aucun de nous n'avait remarqué que l'autre semblait plongé dans ses propres tourments.

Tant mieux pour moi, j'en avais assez de ne pas réussir à cacher mes rougeurs. Comment est-ce que je pourrais lui expliquer ça s'il me questionnait sur la couleur de mes joues ? Je bafouillerai certainement, quoi de mieux pour me mettre encore plus dans l'embarras. Puis, il changea de sujet. Voulait-il me détourner de quelque chose dont il ne souhaitait pas parler ? Me cachait-il quelque chose ? Il avait sûrement de bonnes raisons, je devais lui laisser de l'espace.

Je souris timidement. Etait-ce vrai ? Peut-être que c'était une excuse pour ne pas venir ? Mais pourquoi ? Trop de pensées tournaient dans ma tête et ça me faisait mal au crâne. Il n'avait aucune raison de ne pas vouloir venir, il était sûrement très occupé. A trouver quelque chose qui lui plairait, un stage ou un travail. Un truc d'adulte quoi. Comme s'il lisait dans mes pensées, il confirma qu'il essaierait de passer, s'il trouvait le temps. Mon sourire s'élargit.

"J'en serais très heureuse."

Très très heureuse même. Notre arrivée devant l'enseigne du vétérinaire fit taire toutes mes pensées. Il n'y avait plus que la petite chienne qui comptait à présent.

"Oui, allons y. Merci de rester avec moi."

J'étais contente qu'il m'ait accompagnée. J'avais peur pour elle, peur qu'il lui arrive quelque chose sur le trajet. Avec Raphaël à mes côtés, je me sentais en sécurité. Je m'assis dans la salle d'attente. Il y avait un peu de monde, mais il y avait aussi plusieurs vétérinaires donc l'attente ne serait pas trop longue. J'installais la petite sur moi et elle se coucha tranquillement. Une fois assise, je posais ma tête contre le mur derrière moi et soufflais doucement. J'étais fatiguée. Trop d'émotions se bousculaient en moi, je ne me sentais pas bien, je n'étais pas à l'aise. Mais je devais prendre sur moi, je ne voulais pas que Raphaël s'inquiète pour moi.

"Tu préfères rester dans la salle d'attente ou venir avec moi dans la salle d'auscultation ?"