Il était vraiment temps que le Nectar cesse de faire effet. Inutile d'être dans sa tête pour voir que Nathan peinait à contenir toute l'énergie qui allait avec la surcharge d'énergie du pouvoir. Il avait très visiblement un mal fou à tenir en place et même quand elle l'embrassa, elle sentit la fébrilité dans la pression de ses lèvres. La Précipitation n'était pas le concept le plus facile à contrôler quand on n'avait pas l'habitude.

Malgré tout, prise dans leur étreinte et sa propre précipitation à l'idée de pouvoir enfin rentrer et profiter pleinement de sa présence, elle ne pensa pas tout de suite à se détransformer pour faire cesser les effets du pouvoir. De toute façon, pour ça, il fallait parler, et elle n'en avait pas vraiment la possibilité actuellement. Ça aurait impliqué d'arrêter de l'embrasser.

Il tâtonna pour les ramener à l'intérieur, enfin véritablement seuls dans le salon de leur appartement, malgré la porte-fenêtre grande ouverte sur les bruits nocturnes de Paris. Et là, il reprit la parole, toujours aussi rapidement, au point qu'elle dut se concentrer un peu pur comprendre ce qu'il disait.

- Ok, ok, respire, je vais me... détransformer.

Sa voix vacilla sur la fin de sa phrase, coupée par le petit frisson qui chatouilla son cou. Elle ne s'y attendait pas et sa peau picotait doucement partout où les lèvres du Loup s'étaient posées. Un discret soupir d'aise franchit ses lèvres. C'était juste... agréable. Et ils s'étonnaient de ne pas réussir à se séparer. Pour lui épargner d'avoir à supporter le trop plein d'énergie encore longtemps et sans l'influence de Lobbo pour le réguler un peu, elle murmura elle aussi le mot fatidique qui faisait disparaître le costume et le pouvoir qui allait avec.

- Détransformation.

Elle redevint elle-même, toujours dans ses bras, toujours incapable de le lâcher. Doucement, elle vint poser sa paume sur la joue de son colocataire – un mot qui devrait subir une mise à jour une fois qu'ils auraient la tête à réfléchir à ce genre de détails – avec un sourire attendri.

- Ça va mieux ?

Tentée de se perdre dans la contemplation de son visage, Zoé eut tout de même un petit élan de compassion et s'efforça de reposer pied à terre pour ne pas lui imposer de la porter trop longtemps. D'accord, elle ne pesait pas bien lourd, mais il n'avait plus la magie des miraculous pour l'aider et la différence de force en plus du ralentissement soudain après la désactivation du Nectar pouvaient créer des surprises. 

- Wow …

A peine Zoé avait-elle quitté la peau de Pokeberry que Nathan ressentit une brusque impression de redescente, pas forcément désagréable en soi, mais suffisamment forte pour le faire vaciller dans une légère perte d’équilibre. Il avait doucement dégagé sa tête nichée au creux de son cou, voyant le décor de leur appartement tourner autour de lui un bref instant. Il cligna des yeux, hébété, le temps de reprendre ses esprits. Il sentit les jambes de sa partenaire relâcher leur douce étreinte autour de sa taille pour retrouver la terre ferme. Il allait protester, mais une deuxième sensation de vertige le prit, qui cette fois-ci l’amena à se laisser aller à un léger rire teinté de surprise.

- Oh la vache … Tu vois la galère que c’était pour toi de te relever quand on fait la soirée Tequila avec les filles ? Eh bah y’a un peu de ça ! J’imagine que c’est différent pour la porteuse …

La porteuse. Il réalisa en prononçant le mot que ça y est. Ils y étaient. Pokeberry et Bad Wolf. Zoé Lee et Nathan Delune. Tout cela rassemblé sous le même toit, leur toit. Bon, l’état second duquel il commençait doucement à sortir y était sans doute pour beaucoup, mais le naturel avec lequel il avait associé leur vie nocturne à leur quotidien “normal” le surprit au point de le couper dans sa phrase, la bouche ouverte en un sourire béat.

-  Zoé, tu … Je … Ouais … Ouais, je crois que ça va bien mieux maintenant.

Son regard vint chercher le sien, irradiant d’un bleu  plein de promesses la pénombre de leur salon. Elle était là, au centre de ce tourbillon qui achevait doucement sa folle danse, un sourire empreint de tendresse sur ses lèvres dont le sucre lui réchauffait encore le cœur.  Sa main vint rejoindre celle qu’elle avait posée sur sa joue, tandis qu’il réaffirmait doucement son étreinte autour de sa taille.

- Mais je pense que je vais éviter de te lâcher tout de suite tout de suite. Uniquement … histoire d’être sur de ne pas perdre l’équilibre, bien sur …

Oui, bien sûr … Ca n’avait évidemment strictement rien à voir avec la chaleur qui s’emparait de lui quand il la tenait dans ses bras à présent, ni à la teinte délicieusement écarlate de ses joues qui n’attendaient que de se presser contre les siennes. Non, c’était une question d’équilibre.

- Et toi ? … Comment tu te sens maintenant que … qu’on est juste nous ?

Un petit sourire timide se dessina sur ses lèvres. Après tout, cette intimité était toute nouvelle entre eux, et malgré la complicité qu’ils avaient construite depuis qu’ils se connaissaient, il y avait dans cet échange comme des airs de premier rendez-vous. Et les proverbiaux papillons s’étaient installés dans le ventre de Nathan quand il avait réalisé qu’il avait dans ses bras sa petite-amie.

Ouais, le contrecoup du Nectar avait un effet assez violent. Finalement, c'était bien l'opposé du Venin de l'abeille, ou les gens retrouvaient si brusquement leur énergie qu'ils étaient dans la confusion la plus totale. Là, le retour à la normale donnait facilement le tournis, même à elle. La comparaison la fit rire et elle se félicita de l'avoir lâche pour qu'il puisse se remettre du choc plus facilement. La porter dans cet état n'aurait fait que risquer de le blesser.

- Plus ou moins. Zzin donne un surplus d'énergie permanent mais ça reste difficile de se réajuster. Mais la descente est plus graduelle, normalement.

Passer d'une vitesse extrême à un arrêt brutal secouait quel que soit la situation. Mais c'était assez drôle de le voir comme ça, encore un peu perdu. Pas qu'elle soit beaucoup plus organisée dans sa tête ; il s'était passé tellement de choses, tellement vite pendant cette soirée qu'elle avait aussi du mal à vraiment retoucher Terre. Pas sûr qu'elle en ait envie, non plus. Elle aimait bien ce petit nuage d'euphorie qui la portait depuis qu'ils s'étaient embrassés.

- Ça a pas l'air.

Petit rire soufflé. Ouais, il paraissait quand même encore très déboussolé vu qu'il avait plus bégayé que parlé. Elle ne put s'empêcher de trouver ça adorable, avec l'intuition qu'elle allait se faire cette réflexion régulièrement. Il était adorable. Et craquant. Et comment avait-elle pu ne pas se rendre compte avant qu'elle ressentait tout ça ?

- Bien sûr, oui.

Absolument crédible. Ce n'était qu'une question d'équilibre, c'était bien pour ça qu'il se tenait à sa taille et à la main sur sa joue plutôt qu'à quelque chose de plus stable. Loin d'elle l'idée de s'en plaindre, cela dit. L'étreinte autour de sa taille l'ancrait dans la réalité tout autant qu'elle lui donnait l'impression d'être dans un rêve et, étrangement, le contraste était plus agréable que perturbant.

- Je n'ai jamais été aussi heureuse.

Est-ce que c'était une exagération ? Elle aurait été incapable de le dire. C'était la première réponse qui lui était venue à l'esprit quand il avait posé sa question et elle l'avait prononcée instinctivement. Mais c'était sans doute la plus proche de la vérité. Si leur colocation lui avait donné un refuge où elle pouvait enfin être elle-même, être dans ses bras lui donnait plus que jamais l'impression d'être chez elle. D'avoir trouvé sa place.

- Mais comme quelqu'un ici a oublié de fermer la porte-fenêtre, il fait un peu froid.

C'était totalement faux, en tout cas pour l'instant, mais elle profita de l'excuse pour se lover un peu plus contre lui, dans la chaleur de ses bras. Il n'y avait plus personne pour les surprendre, plus de risque pour leurs identité. Juste eux deux. Même leurs kwamis semblaient avoir décidé de le laisser seuls maintenant que tout danger était passé. 

Les mots de Zoé trouvèrent en lui une résonance parfaite, l'écho de ce que lui-même ressentait en cet instant précis. Depuis l'instant où elle était entrée, quoiqu'un peu abruptement, dans sa vie, elle n'avait jamais cessé de lui donner le sourire. Que ce soit quand elle l'avait accueilli dans ce qui était devenu leur appartement, alors qu'il tentait de cacher avec plus ou moins de succès les stigmates d'une rupture difficile. Ou quand elle le reboosta comme elle seule savait le faire quand les doutes s'étaient emparés de lui à l'approche de la sortie de son premier livre. Même quand il ignorait qu'elle se cachait derrière le masque de Pokeberry, c'était avec la même énergie qu'elle avait conforté Bad Wolf dans ce nouveau rôle de super-héros.

La vérité, c'était que Nathan aurait déjà été incroyablement chanceux si leur relation ne s'en était tenu qu'à ça. Mais maintenant, alors qu'il réalisait doucement tout ce qui s'offrait à eux en ayant franchi cette limite tacite, il était plus heureux qu'il n'aurait jamais pensé l'être.

Il eût un petit sourire complice quand elle se blottit contre lui en prétextant avoir froid. C'était ce genre de petites manies délicieusement mignonnes qui avaient le don de le faire craquer, alors même qu'ils n'étaient qu'amis. Inutile de dire que ça n'irait clairement pas en s'arrangeant maintenant.

- Ah ? Tu dois être un peu frileuse alors … Parce que moi, à l'inverse, y'a cette chaleur au niveau de ma poitrine depuis quelques minutes … Et j'ai pas l'impression qu'elle veuille partir.

Ce fut à son tour d'aller caresser tendrement la joue de Zoé. Ces joues rebondies, légèrement rosées, qu'il aimait pincer pour la taquiner quand quelque chose la contrariait. Mais il n'avait plus envie de l'embêter. Pas ce soir. Elle était si douce ! Il aurait pu rester planté là une éternité tant qu'elle acceptait de lui tenir compagnie. Il rapprocha lentement son visage du sien. Les notes florales qui composaient son parfum lui arrachèrent un soupir d’aise qu’il ne tenta même pas de masquer. Leurs souffles se mêlèrent à nouveau, mais il ne se précipita pas. Non. Il voulait profiter de chaque seconde de ce moment, pour mieux le graver dans son cœur. Sa voix se fit plus basse, presque un murmure.

- Si tu veux … On peut essayer de la partager un peu ? Je m'en voudrais de te laisser attraper froid, tu sais ?

Finalement, la seule chose qui avait changé par rapport au moment où ils étaient sur le toit, c'était le décor. Elle était toujours incapable de le lâcher et de se séparer de lui, quitte à utiliser de fausses excuses que ni lui ni elle ne croyait. Froid ou pas, elle s'en fichait tant qu'elle pouvait profiter de son étreinte.

Elle sourit. Une chaleur qui n'était pas décidée à partir, hein… Oui, c'était bien plus proche de la réalité que de prétendre qu'il faisait froid mais au fond, est-ce que ce n'était pas justement parce qu'elle était proche de lui qu'elle ne ressentait pas vraiment le froid ? Elle descendit doucement la main de sa joue pour venir la poser contre son cœur, pour sentir les battements dans ses doigts et sa paume.

- En effet… elle a l'air bien partie pour rester. Tu vas devoir t'y habituer.

Maintenant que leur relation avait évolué dans ce sens, il était absolument impossible de faire marche arrière et, de toute façon, c'était la dernière chose dont elle avait envie. Au contraire, maintenant qu'ils étaient au calme, une petite curiosité commençait à pointer le bout de son nez, se demandant à quoi ressemblerait leur vie maintenant que toutes les cartes avaient été redistribuées.
Mais très vite, la curiosité fut remplacée par un doux picotement à l'arrière de sa nuque quand il rapprocha doucement son visage du sien, quand leurs souffles se mêlèrent et qu'elle put sentir la chaleur de sa respiration contre ses lèvres.

- Tu as un don pour les propositions tentantes, ce soir…

Il ne fallait pas grand-chose pour rompre la distance, mais elle se prit au jeu de l'imiter et de pleinement prendre son temps. C'est quand elle sentit finalement leur peau se frôler qu'elle décida d'enfin l'embrasser, retrouvant la chaleur et le goût de ses lèvres. Non, décidément, elle s'estimait à partir de maintenant incapable de tenir très longtemps sans ce contact. Le baiser fut bref, cela dit, bien qu'elle ne s'écartât pas beaucoup quand elle y mit un terme.

- Je crois que j'ai un peu moins froid, mais il faudrait peut-être partager un peu plus pour être sûrs.

Cette fois, elle laissa échapper un petit rire. Elle aurait pu réclamer directement, vu la subtilité de cette dernière réplique mais bon, c'était pour la bonne cause.

Cette fois ci, il n’y avait plus de place pour le doute ou les fausses excuses.  L’adrénaline du combat était loin derrière eux. L’influence potentielle des Kwamis sur leur alter ego s’était tue avec la détransformation. Et le contrecoup de Nectar semblait s’être définitivement estompée. Pourtant, le cœur de Nathan battait bel et bien à cent à l’heure, et dans le calme et la pénombre de leur salon, il ne restait plus qu’une seule responsable possible, et elle se tenait là, dans ses bras, une main posée contre son torse. Et il ne pouvait plus détourner son regard, ni d’elle, ni des sentiments qu’elle lui évoquait à présent.

- Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Je dois avoir une source d’inspiration particulièrement … exaltante.

Le contact timide de leurs lèvres appela presque immédiatement à plus. Et c’est elle qui vint le chercher. Son baiser, presque furtif, suffit pourtant à le faire frissonner d’aise. Il savait qu’il était un des premiers d’une longue lignée, mais ca ne l’empêchait pas de l’apprécier, comme ce petit cadeau que le destin leur faisait. C’était si naturel, au final, qu’il en venait à se demander sérieusement depuis quand ces sentiments pouvaient s’être immiscés discrètement en eux. Parce qu’il était tout simplement impossible qu’ils soient apparus du jour au lendemain. Non. Pas avec l’ampleur qu’ils prenaient. Pas quand il n’arrivait juste plus à concevoir toute autre forme de relation entre eux deux.

Il rit avec elle quand elle lui quémanda un peu plus d’affection. Il était prêt à le lui donner, aucun doute sur ce point. Mais il voulait aussi retrouver leur intimité, celle qui existait déjà bien avant ce soir, et qui perdurerait sans doute bien après, quoi que teintée de nouvelles couleurs plus chaudes.

- Hey … On a eu une nuit pour le moins … agitée, tu crois pas ? On a bien mérité un peu de repos. Et comme il est toujours hors de question que je t’abandonne ce soir  …

Il désigna d’un léger coup de tête la porte de sa chambre, entrouverte.

- On pourrait aller attraper un plaid, se glisser dessous tous les deux, et aller tenter de trouver un peu de sommeils l’un contre l’autre …

Il revint trouver son regard. Son expression se mua en un sourire un rien taquin.

- Bon, bien sur, si on y arrive pas, on peut aussi continuer les calins et les bisous hein. J’ai l’impression qu’on a du retard à rattraper dans ce domaine.

C'est vrai que leur nuit avait été mouvementée. Riche en émotions. Tout un tas d'autres choses similaires sur lesquelles elle n'arrivait pas à mettre de mots. Pourtant, elle ne ressentait aucune fatigue ; et plus que l'éventualité de pouvoir se reposer, ce fut celle de pouvoir se blottir contre lui comme ils le faisaient depuis longtemps qui la fit tourner la tête vers la chambre. Cela dit, la perspective de dormir contre lui avait le pouvoir de rendre le sommeil nettement plus attrayant.

- Si tu commences à devenir la voix de la raison, je vais m'inquiéter un peu.

Mais il avait totalement raison. Ils ne pouvaient quand même pas passer toute leur soirée plantés au milieu du salon à côté d'une baie vitrée ouverte, aussi agréables soient leur étreintes. Elle répondit à son sourire avec une expression similaire, s'écartant un tout petit peu.

- Parce que tu pensais vraiment que "essayer de trouver le sommeil" et "se faire des câlins" étaient dissociables ?

Non, si à un moment ou un autre elle arrivait à envisager l'idée de dormir, ce ne serait pas sans une longue dose de câlins. Elle glissa ses mains dans les siennes pour reculer un peu vers la porte entrouverte en l'entraînant avec elle, sans le lâcher des yeux. Elle connaissait le salon par cœur, de toute façon.

Elle ne se tourna qu'à proximité de la porte, ne lâchant qu'une de ses mains pour aller, de l'autre, entrelacer ses doigts au siens. Rompre tout contact était trop inenvisageable, même pour peu de temps. D'autant plus que le tenir comme ça était quand même assez nouveau. Elle se surprenait à caresser doucement le dos de sa main du bout du pouce et ça ne faisait que lui donner davantage envie de sourire. C'était un geste tellement simple, mais tellement agréable.

- Vu que tu n'as pas froid du tout, il paraît, on peut aller se poser sur le balcon. Ou sur le canapé. Ou dans ton lit, en fait, tant que c'est confortable et que je suis avec toi.

Elle chercha des yeux un plaid à embarquer avec eux où qu'ils aillent, réalisant quand même avec un temps de retard le naturel avec lequel elle avait proposé de simplement dormir dans son lit à ses côtés. Ce n'était pas comme s'ils n'avaient absolument jamais dormi au même endroit, mais ça restait un peu plus intime que de somnoler sur un canapé.

Nathan haussa un sourcil, généralement indicateur que le mode ironie avait été activé, quand Zoé sembla croire qu’il songeait vraiment à aller dormir. Oh non, elle n’avait aucune raison de s’inquiéter : lui non plus n’éprouvait pas la moindre once d’épuisement malgré leur soirée tumultueuse. Elle lui avait insufflé suffisamment d’énergie pour une nuit blanche, si tant est qu’ils la passaient ensemble, de préférence proches. Très proches.

- Je me serais peut être posé la question … si j’avais eu ne serait-ce qu’une seconde l’envie de dormir.

Il afficha un sourire complice, lui faisant ainsi comprendre qu’ils étaient sur la même longueur d’onde : cette folle et douce soirée était loin d’être finie. Lorsqu’elle vint se saisir de ses mains, il la laissa docilement le guider, ne pouvant détourner les yeux de son regard mutin. Il l’aurait suivie n’importe où si cela voulait dire l’avoir en permanence dans son champ de vision. Mais lorsqu’elle vint mêler ses doigts aux siens, il sentit un nouveau frisson intérieur. Le geste en lui-même n’avait rien de plus exceptionnel que les baisers qu’ils avaient échangés, où les étreintes qu’ils avaient partagés. Mais dans sa simplicité, il signifiait tellement plus.

Ils étaient sur le pas de la porte de sa chambre. Nathan pouvait sentir le petit pouce de Zoé frôler le dos de sa main, insufflant une nouvelle vigueur à son sourire. Est-ce qu’elle pouvait être encore plus adorable ? … Oui. C’était très probable. C’est alors qu’elle énuméra les possibilités qui s’offraient à eux, tout en en parcourant sa chambre du regard pour y trouver un plaid. La mention de son lit aurait pu lui tirer une expression de surprise. Mais pour ça, il aurait fallu qu’il n’y ait pas déjà pensé lui-même, à la seconde où elle avait passé la porte de la pièce. Cela faisait combien de temps qu’ils se courraient après, métaphoriquement parlant ? La seule réponse valable à cette question : trop longtemps. Et il en avait marre de courir. Même si bouger sur le balcon ou retourner au salon n’était une affaire que de quelques mètres, c’était déjà trop.

- Eh bien, on a passé une bonne partie de la nuit dehors … Et le canapé, c’était déjà notre point de chute favori avant … Alors tant qu’à innover ce soir …

Il leva doucement la main de Zoé captive de la sienne pour venir la porter délicatement à ses lèvres, ponctuant ainsi régulièrement la suite de sa phrase.

- Tu pourrais filer dans ta chambre … échanger cette veste et ce pantalon pour ton charmant petit pyjama pendant que je fais la même chose … et puis tu viens me retrouver ici ? Je te garde une place bien au chaud.

Affichant alors un air un peu contrit sans pour autant la quitter des yeux, il ajouta :

- J’ai pas spécialement envie de te lâcher, même pour quelques secondes, Zoé … Mais j’ai pas envie que tu croies que je veuille brûler des étapes si … Enfin si je te laissais pas aller te changer …

Un petit rire, mi-timide, mi-gêné conclut sa phrase. Ca n’était pas la première fois qu’il se retrouvait dans un cadre aussi intime avec une fille, mais face à elle, il se retrouvait aussi désarmé que l’ado qu’il n’était plus depuis longtemps. Et à dire vrai, il adorait ça.

Ils étaient sur la même longueur d'ondes à ce niveau : aucun des deux n'était en état de dormir. La petite bulle de bonheur qu'ils s'étaient forgée sur la base d'un baiser volé au temps, au sommet d'un bâtiment parisien, avait eu raison de toute forme de fatigue dans leur esprit. Au lieu de ça, ses pensées flottaient d'une réalisation à l'autre. Les deux plus récentes étant la joie simple mais pourtant tellement présente de pouvoir lui tenir la main, et le fait qu'elle avait véritablement envie de passer la nuit blottie dans ses bras à profiter de sa chaleur.

Elle l'écouta avec un petit sourire toujours accroché à ses lèvres, qui vint tinter un peu ses joues quand il ramena doucement sa main vers lui pour l'embrasser. Comment faisait-il pour être aussi adorable ? Bien sûr, il avait toujours été très doux avec elle, c'était ce qui leur avait permis de s'entendre aussi bien aussi vite malgré leur première rencontre un peu chaotique, mais plus la nuit avançait, plus elle le trouvait craquant.

Zoé vint caresser sa joue avec une tendresse infinie pour répondre à la timidité qu'elle entendait pour la première fois dans son rire.

- Je comprends très bien.

Elle sourit doucement, déposa un bref baiser sur ses lèvres avant de s'écarter d'une courte distance pour rajouter dans un murmure :

- Je reviens vite.

Elle n'avait aucune envie de le lâcher, elle non plus, mais quitte à passer la nuit l'un contre l'autre et prendre le risque de s'endormir, autant ne pas le faire dans une tenue qu'elle avait porté toute la journée en ville. Elle hésita un instant au moment de lâcher sa main, malgré tout. Peut-être qu'elle pouvait juste rester ici, emprunter quelque chose dans son armoire, ne pas avoir à traverser les quelques mètres qui séparaient leurs chambres…

Finalement, elle trouva quand même le courage de séparer ses doigts des siens et à rejoindre sa propre chambre à une vitesse raisonnable – c'est-à-dire sans se mettre à courir pour pouvoir revenir plus vite se jeter dans ses bras. Elle était par contre incapable de s'arrêter de sourire. C'était impossible. Elle se changea rapidement, avec le pyjama à motif d'avocats posé sur le coin de son lit, fit demi-tour et vint poser sa main contre la porte.

- Je peux entrer ?

Est-ce que c'était signe qu'elle était irrémédiablement dépendante si elle commençait déjà à compter les secondes avant que la porte s'ouvre ?

Même si il n’était pas foncièrement inquiet de la réaction qu’elle pourrait avoir en le voyant avec un peu moins d’assurance qu’à l’habitude, Nathan ne réprima pas pour autant un sourire soulagé et complice en voyant Zoé le rassurer avec la douceur qui lui était coutumière. Pourtant, ayant partagé un toit et pas mal de confidences avec elle depuis leur rencontre, il savait mieux que quiconque qu’elle était loin d’être la plus à l’aise quand il était question de relation. Ils avaient chacun connu leur lot de déboires, avec les stigmates qui allaient avec. Mais chacun de ses gestes doux, de ses regards plein de promesses, tous ces sourires tendres qu’elle lui adressait depuis ce soir, tout cela le confortait dans l’idée qu’ils s’étaient vraiment bien trouvés. Leurs faiblesses s’effaçaient dès lors qu’ils étaient ensemble.

Il ferma brièvement les yeux quand Zoé vint lui donner un rapide baiser, sans doute pour lui donner la force de supporter l’inéluctable séparation de … quelques secondes qui allait suivre. Il acquiesça silencieusement en lui souriant, mais pour la forme, émit quand même un petit gémissement plaintif quand elle lâcha sa main après une brève hésitation.

- File, p’tit chat. Avec un peu de chance, si tu fais vite, peut être que tu n’auras pas le temps de me manq … Ah non, trop tard.

Il ponctua sa taquinerie d’un clin d’œil et la regarda partir, refermant à contrecœur la porte derrière elle. Sa main ne quitta pas la poignée de la porte, tandis que les coins de sa bouche tentaient désespérément d’atteindre les lobes de ses oreilles. Il resta figé ainsi pendant deux secondes, ne réalisant toujours pas ce qui leur arrivait.

Elle est tellement … Wow … Rapide ?

Le dernier mot jurait avec le reste, mais il lui était venu alors qu’il avait entendu le claquement de la porte de la chambre de Zoé, indiquant qu’elle était probablement déjà en train de se changer. Il se débarrassa en toute hâte de ses vêtements du jour, qu’il déposa sur la chaise de son bureau, et rejoignit son lit en trois enjambées pour récupérer sous son oreiller le short noir et le t-shirt arborant un magnifique Tardis dans le style de Van Gogh qui lui faisaient office de pyjama, et s’empressa de les passer. La pensée fugace qu’il était peut être loin d’être à son avantage lui traversa l’esprit, chassée bien vite par cette évidence : c’était Zoé. Elle l’avait vu plus de fois dans cette tenue que n’importe qui d’autre. C’était stupide ! Mais c’était aussi le genre de bêtise qui lui confirmait qu’il était bien dans ce délicieux état second qu’il n’avait pas connu depuis un moment.

Il leva les yeux vers la porte en entendant à nouveau la voix de Zoé retentir presque timidement, et souriant plus que jamais, franchit les quelques pas qui le séparaient d’elle. Il ouvrit doucement, lui offrant son regard le plus enjôleur.

-  Hum, je ne sais pas si c’est raisonnable … Je crois que je serais plus rassuré en présence de mon avocat …

Il baissa les yeux vers le haut du pyjama de son invitée du soir avec un sourire en coin.

Trois. Quatre. Cinq. Elle n'eut pas à attendre très longtemps avant de voir la porte s'ouvrir,de constater qu'il s'était changé à peu près aussi vite qu'elle. Finalement, pas besoin du pouvoir de Zzin pour expérimenter aux première loges la précipitation ; il suffisait de trouver difficile la moindre seconde de séparation. Ils avaient fait la même chose : attraper le premier pyjama à leur portée juste pour pouvoir se retrouver plus vite. Elle répondit à sa remarque avec un petit sourire semblable, en levant les yeux au ciel.

- Ah oui ? Il reste encore des secrets à découvrir que tu as peur de ne pas pouvoir me cacher si je reviens dans tes bras ?

Elle réussit à tenir à peu près deux secondes avant de vraiment revenir dans ses bras. Ou, pour être précis, de réduire la distance qui les séparait et de poser sa tête dans le creux de son épaule, une main contre son torse tandis que l'autre revenait naturellement se faufiler dans la sienne.

- Tant que tu ne décides pas de partir sans moi pour ton prochain voyage dans le temps, hein.

S'il voulait la taquiner sur son pyjama, elle ne se priverait pas de faire pareil. D'un côté, c'était rassurant. Même si cette nuit avait bouleversé beaucoup de choses, il restait le Nathan qu'elle connaissait, avec le même humour et la même répartie qui la faisaient craquer si facilement. Leur dynamique allait changer, inévitablement, mais – semblait-il – pas sur tous les points. Et l'inconnu sur leur chemin, ils le découvriraient ensemble.

Elle observa le lit du coin de l'œil. Ça lui avait paru tellement naturel quand elle l'avait proposé ; ça restait un pas dans ce fameux inconnu. S'allonger contre lui, s'envelopper dans son parfum qui était partout dans la chambre et qui serait encore plus présent dans ses draps. Et puis... juste...  c'était une toute autre forme de proximité.

- Est-ce que tu as aussi besoin de ton avocat pour me laisser m'allonger dans tes bras, ou ça ira ?

Elle rit timidement, écho de celui qu'il avait eu avant qu'elle ne se décide à quitter la chambre. Même si trouver une répartie était à sa portée, la plupart du temps, elle n'avait clairement pas un caractère assez affirmé pour simplement l'emmener avec elle comme elle l'avait fait pour sortir du salon, surtout dans son propre lit. Elle attendait, en quelque sorte, l'invitation qu'elle avait déjà eue. Au fond, elle avait comme souvent juste besoin de la douceur qu'il savait si facilement lui démontrer pour oser faire le prochain pas en avant.

Il aurait pu réfléchir à sa question. Elle était légitime, après tout. Est-ce qu’il avait encore des secrets pour celle qui, au final, partageait sa vie depuis presque 9 mois ? On pouvait présumer que le plus gros d’entre eux était probablement en train de ronger son frein en mangeant du jambon cru dans leur frigo. Mais pour ce qui était du reste, elle savait presque déjà tout de lui. Il comptait sur les doigts d’une main les personnes à qui il se livrait avec aussi peu de retenue, et elle était très certainement en tête de cette liste. Mais de toute façon, ces tergiversations n’avaient pas lieu d’être : elle était revenue contre lui. Ses doigts entrelacés avec les siens, le parfum familier de ses cheveux blond, son souffle chaud contre son torse ... A quoi il était en train de réfléchir, déjà ?

- Dans le temps ET l’espace, s’il te plait. Et tu sais très bien que tu serais la seule à qui je confierais une clé, bebou.

Il déposa alors un petit bisou tendre sur le front de Zoé, un geste qu’il avait déjà fait des dizaines de fois, souvent pour la consoler quand elle avait un coup de blues. Et même si ils avaient ajouté pas mal d’inédits à leur répertoire de marques d’affections, il était hors de question de renoncer à ceux qui avaient forgé leur amitié. Il était trop tôt pour savoir avec certitude sur quelle route les mèneraient cette soirée, mais une chose était certaine : ils préserveraient ce lien fort, qui n’a pas attendu qu’ils se désirent pour exister.

Il vit que le regard de Zoé se posa discrètement sur son lit, avant de préciser sa pensée par une question qu’il perçut comme sa façon à elle de lui demander si il était prêt à franchir cette étape symbolique. Son rire timide lui donna envie de fondre. Qu’est-ce qu’elle était adorable … Il ne résista pas à l’envie de venir l’embrasser tendrement avant de lui répondre dans un murmure.

- Hum … Je préfère te prévenir : ca n’est pas plus grand à l’intérieur … Mais … Si on se serre bien l’un contre l’autre, on devrait avoir toute la place dont on a besoin … Allez, viens.

Il garda sa main dans la sienne, pour l’emmener avec lui quelques pas plus loin, face au lit de Nathan. Levant la couette de sa main libre, il alla s’allonger sur le matelas confortable et chaud, tout en gardant le drap ouvert dans une invitation tacite à venir le rejoindre.

Il était vraiment adorable. Elle aurait presque pu regretter qu'il ne se soit pas passé quelque chose entre eux plus tôt mais la vérité, c'est que cette nuit ressemblait trop au moment parfait pour qu'elle se pose ce genre de questions. Ils avaient eu le temps de se rapprocher, de se faire confiance, d'apprendre à se connaître. Les choses auraient sans doute été différentes si leur amitié avaient pris ces nouvelles couleurs à un autre moment.
En attendant, elle profitait pleinement du réconfort et de la chaleur de ces nouvelles marques d'affection, et des nouveaux picotements que les anciennes provoquaient dans son cœur.

- On devrait survivre au manque d'espace, mais dans le doute... je pense que je vais quand même rester très, très près de toi.

Petit sourire aux lèvres, elle le suivit et le rejoignit, se blottissant contre lui dès qu'ils furent tous les deux à l'abri sous la couverture. Très, très près, donc. Assez pour sentir son cœur battre et sa respiration lui chatouiller la peau, pour partager sa chaleur, pour qu'il puisse l'enlacer sans difficulté. C'était quand même plus confortable que d'être debout au milieu du salon. Elle ne s'écarta un tout petit peu que pour venir caresser sa joue de sa main libre, l'autre ne s'étant toujours pas résolue à lâcher sa compagne.

- Ça va, on aura assez de place ?

Bon, la blague traînait peut-être un peu en longueur, mais c'était aussi un de leurs moyens de communication principaux, donc elle n'allait pas se priver. Ça désamorçait aussi totalement le petit semblant de nervosité qui essayait de se faire un petit chemin dans sa tête et qui fondait à chaque blague et à chaque sourire.
Et à chaque câlin, chaque bisou, chaque murmure, chaque regard.
Très facilement, en fin de compte. Parlant de ça...

- Au cas où, je pense que tu pourrais même être un peu plus près.

Elle attira doucement son visage vers elle pour retrouver ses lèvres, l'embrasser avec la même tendresse que lui, juste avant. Peut-être légèrement plus longtemps. Ou bien plus longtemps. Il n'avait clairement pas besoin d'un Tardis pour perturber sa perception de l'écoulement des secondes. Et si l'embrasser la rendait si heureuse à chaque fois, ça n'était pas près de changer. Elle finit par s'écarter, à peine, le souffle un peu court, un sourire toujours rivé sur les lèvres.

- Là, c'est mieux.

Elle l'embrassa quand même furtivement au coin des lèvres pour ponctuer sa phrase. Histoire de faire bonne mesure.

Ca avait quelque chose de presque surréaliste, de voir ainsi celle qui avait été une amie en or, sa meilleure amie pour tout dire, venir se blottir contre lui sous les draps de son propre lit. A mille lieues des siestes improvisées sur le canapé, qui les avaient vu s'endormir l'un contre l'autre en plein binge-watching de série, elle s'immisçait sciemment dans son intimité, partageant la sienne du même coup, le tout dans une atmosphère aussi tendre que légèrement fébrile.

Mais lorsqu'elle se lova contre lui et que la couette les enveloppa, le cocon de douceur dans lequel ils se retrouvèrent avait tout d'un petit paradis de poche. Son bras libre s'enroula autour de la fine taille de Zoé, avant que sa main ne vienne glisser sur le tissu de son haut pour venir remonter doucement contre sa nuque, qu’il effleura du bout des doigts. Un contact simple, mais qui, associé au regard brillant de bonheur de sa partenaire, lui réchauffait le cœur. Elle était revenue caresser son visage, comme si elle aussi voulait s’assurer que tout ceci était bien réel.

- Hum, je sais pas … On pourrait rester comme ça un moment, juste histoire d’être sûrs …

Et c’est elle qui, à nouveau, vint chercher sa bouche, pour un autre baiser, peut-être le plus doux de tous ceux qu’ils avaient échangés jusqu’ici. Ses yeux se fermèrent pour mieux savourer l’instant, tandis que sa main remontait un peu plus haut pour se frayer un chemin à travers ses cheveux blonds, et venir reposer tranquillement contre sa tête. Leurs doigts entremêlés se resserrèrent imperceptiblement, tant sous l’effet du plaisir que pour réaffirmer timidement la volonté de Nathan de ne plus vouloir la laisser partir.

Lorsque le baiser prit fin, il prit son temps avant de rouvrir les yeux, sur un sourire qui en disait long. Son cœur battait la chamade. Depuis quand elle avait le pouvoir de le faire chavirer comme ça ? Est-ce qu’elle avait mis la main sur un Miraculous qu’il ne connaissait pas ? Le petit bisou qu’elle lui vola lui apporta la réponse à la question qu’il s’était posé dans le salon quelques instants plus tôt : oui. Définitivement. Elle pouvait être encore plus adorable. De sa voix la plus suave, sans se détacher de son étreinte, de son regard ou de son souffle, Nathan se mit à murmurer :

- C’est tellement … dingue, cette soirée, Zoé … De savoir que … Derrière mon crush improbable se cachait ma personne préférée au monde … De t’avoir là, tout contre moi … De t’embrasser comme ça … Même moi, j’ai pas les mots.

Il eut un petit rire qui traduisait à merveille son incrédulité face à tout ce qui leur arrivait.

- Tout ce que je sais, c’est que … ce que je ressens pour toi, là, en ce moment … C’est quelque chose que je veux préserver … À tout prix.

Le bout de son nez vint frôler le sien, une fois, deux fois. Puis la tentation fut trop grande pour qu’il puisse s’empêcher d’aller s’abreuver à nouveau à ses lèvres d’un peu de tendresse. Il n’avait aucune envie de brusquer les choses, pas avec elle, mais c’était trop dur de contenir ses élans d’affection, tant ceux-ci semblaient vouloir se manifester après avoir été aussi longtemps réfrénés. Sa main quitta sa tête pour s’emparer de la joue ronde de Zoé, tandis que leur baiser gagnait subtilement en intensité.

Le dernier baiser qu'ils venaient de partager avait un goût inédit, une saveur d'intimité différente maintenant qu'ils étaient réfugiés dans leur bulle. Sa main croisée à la sienne, celle perdue dans ses cheveux, son souffle contre ses lèvres, son parfum tout autour d'elle à travers leur étreinte autant que la couverture qui les enveloppait dans leur petit monde à part… C'était la meilleure chose possible.

Il résumait si bien l'improbabilité de leur soirée, l'évolution incroyable qu'avait pris leur vie en si peu de temps, qu'elle ne trouva pas de mots pour lui répondre. À peine un petit hochement de tête, un rire qui vint faire écho au sien. Elle resserra doucement son étreinte sur sa main tandis que leurs visages se frôlaient.

- Comme quoi, tomber amoureux d'un héros masqué, ça peut apporter de très bonnes surprises… Une surprise que je n'échangerai pour rien au monde…

Ses baisers non plus, elle ne les aurait échangés pour rien au monde. Il était comme elle, finalement, assez incapable de la lâcher ou de rester à distance trop longtemps. Il ne tint pas très longtemps avant de l'embrasser et elle se laissa aller à son étreinte, venant à son tour glisser une main dans ses cheveux pour le rapprocher, ou le retenir près d'elle, ou un peu des deux à la fois.

Sans lâcher sa main, elle remonta son autre bras derrière sa nuque, doucement, sans risquer de lui faire mal. Elle avait à la fois envie de l'enlacer et de garder leurs doigts croisés. Tant qu'elle pouvait continuer de l'embrasser…

C'est presque par miracle qu'elle parvint à reculer un tout petit peu son visage, pour venir poser son front contre le sien et retrouver son regard. Quelques secondes, pour reprendre son souffle, et elle réussit à formuler quelques mots.

- Dis… Avant que j'aie encore envie de t'embrasser et que j'arrive plus à te lâcher…

Elle ne savait pas trop par où commencer, à vrai dire. Beaucoup des choses qui l'intriguaient s'étaient murmurées entre deux traits d'humour, ou avaient trouvé une réponse toutes seules dans sa tête. Mais la part d'elle qui n'avait qu'une confiance moyenne en ses propres certitudes avait envie d'entendre ces mots venir de lui, de cette voix qui avait tant de facilités à la rassurer quand elle commencer à douter d'elle-même.

- On est d'accord que ça ne va pas… tout changer ? Qu'on va garder des habitudes et des repères même si d'autres évoluent..?

Elle avait du mal à formuler les choses comme elle le voulait. D'autant plus qu'au fond, elle connaissait déjà la réponse. Ils avaient toujours les marques d'affections qui avaient pavé leur amitié. Ils étaient toujours aussi proches, aussi complices, sans doute bien plus, certainement pas moins. Mais d'une certaine façon, comme pour vraiment ancrer cette nuit dans la réalité et ne pas avoir l'impression de rêver, elle avait besoin de l'entendre confirmer l'évidence.
Et après elle pourrait recommencer à l'embrasser, parce que ça lui manquait déjà beaucoup et beaucoup trop vite.